Lettre de Serge Urbany à M. Alex Bodry: Opposition formelle à la destruction projetée de données fichées par le SREL.

Monsieur le Président,

Le 29 juillet 2013, Monsieur Patrick HECK, directeur du service de renseignement, informa le procureur général d’Etat adjoint, Monsieur Georges Wivenes, président de l’autorité de contrôle instituée sur base de l’article 17 de la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la potection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, de son intention de détruire une partie des fichiers de l’Autorité nationale de Sécurité (ANS) contenant des données à caractère personnel.

L’opération projetée par le directeur du SREL est motivée par la volonté de mettre les fichiers du service de renseignement (volet autorité nationale de sécurité) en conformité avec la loi et notamment le projet de règlement grand-ducal portant création et fixant les modalités de fonctionnement d’un fichier relatif au traitement de données à caractère personnel par le Service de Renseignement de l’État – volet Autorité nationale de Sécurité, adopté par le Conseil du Gouvernement du 26 juillet 2013.

Ce fichier concerne les «enquêtes de sécurité» introduites par la loi du 15 juin 2004 relative à la classification des pièces et aux habilitations de sécurité et visant à «recueillir des données relatives à l’état civil, à la solvabilité, à la situation sociale et professionnelle tant actuelle que passée, à la fiabilité et à la réputation, et à la vulnérabilité à l’égard des pressions de la personne pour laquelle l’habilitation de sécurité est sollicitée» (art. 21).

Je me permets de vous communiquer qu’à mon avis la commission d’enquête doit s’opposer rigoureusement à l’opération de destruction projetée, ceci pour les raisons suivantes:

• Le règlement grand-ducal adopté par le conseil du gouvernement n’a pas encore été publié au Mémorial et, partant, n’a pas sorti ses effets.

• En aucun cas ce règlement grand-ducal ne peut rétroagir et légaliser ainsi, après coup, la collecte, le stockage et la transmission de données personnelles opérées sans base légale ou règlementaire.

• Chaque citoyen a le droit de savoir quelles sont les informations qu’une instance étatique, y compris le SREL, a transmises à autrui et concernant sa situation personnelle. Ce droit (appelé « Grundrecht auf informelle Selbstbestimmung» en Allemagne) se déduit nécessairement de l’article 11(3) de la Constitution concernant la protection de la vie privée. Or, la destruction des données mettrait le service de renseignement de l’état dans l’impossibilité matérielle de renseigner les citoyens intéressés sur des données éventuellement transmises à d’autres instances ou personnes.

• Même si à l’avenir la collecte et le traitement de données relatives au volet «autorité nationale de sécurité» se ferait de façon séparée du volet «renseignement», une telle séparation n’était ni de rigueur, ni probable dans le passé. Il ne peut donc être exclu, et il est même probable, que les fichiers liés aux enquêtes de sécurité effectuées depuis 1960 contiennent également des données relevant du volet renseignement, c’est-à-dire obtenues par les moyens opérationnels d’usage au SREL comme des écoutes, filatures, etc. Ces fichiers sont donc en lien étroit notamment avec les fichiers «historiques» du SREL, mais aussi avec des fichiers plus récents et également illégaux, parce que antérieurs à la réglementation prévue. Et ils sont importants parce qu’ils concernent des conséquences professionnelles dues aux méthodes opératoires du SREL pendant les différentes périodes de son activité. Ils devraient donc être continués dans leur intégralité aux personnes qui ont présenté ou présenteront encore des demandes pour pouvoir consulter leurs dossiers.

Pour toutes ces raisons, la commission d’enquête devrait s’opposer formellement à une destruction précipitée d’une grande partie des fichiers du SREL – volet ANS, tel que projeté dans la lettre de Monsieur HECK.

Au cas où vous estimez utile de réunir les membres de la commission d’enquête à la fin de délibérer à ce sujet, je vous prie de bien vouloir convoquer la commission dans les meilleurs délais possibles et d’informer Monsieur le Ministre de l’Etat que la destruction projetée ne peut avoir lieu entretemps.

Enfin, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que la lettre de Monsieur HECK relève un certain nombre de détails quant aux méthodes de gestion informatique des fichiers du SREL, et inconnues aux membres de la commission à ce jour.

Il serait utile d’entendre M. HECK, afin d’élucider la commission d’enquête, dont les travaux n’ont pas été clôturés, à ce sujet.

Tout en vous remerciant de votre accueil à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à mes meilleures salutations.

Serge URBANY,
Membre de la commission d’enquête SREL

Lettre de Serge Urbany au président de la commission d’enquête, M.Alex Bodry, au sujet de la destruction envisagée de toutes les fiches concernant les “enquêtes de sécurité” effectuées depuis 1960 par le SREL.

– See more at: http://lenk.lu/news#sthash.qAkLGGYq.dpuf

logo European Left logo GUE/NGL logo Transform! Europe