Question parlementaire concernant la réglementation des activités des sociétés luxembourgeoises dans le domaine militaire

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés je souhaite poser la question parlementaire suivante à Monsieur le ministre des Affaires étrangères.

Dans une question parlementaire récente (N°5272), j’ai interpellé Monsieur le ministre au sujet de la collaboration d’une entreprise privée luxembourgeoise avec la Direction du Renseignement Militaire français (DRM) dans le cadre d’une opération militaire en Égypte (opération Sirli). Selon des documents fuités de la DRM, les vols de reconnaissance à laquelle cette entreprise luxembourgeoise a participé, auraient directement mené à des bombardements de nombreux civils par l’armée de l’air égyptienne, c’est-à-dire à des exécutions extrajudiciaires.

Dans sa réponse, Monsieur le ministre a affirmé que ni le Ministère des Affaires étrangères, ni un autre service luxembourgeois étaient au courant de l’opération Sirli et que le Luxembourg n’a pas pris connaissance du contrat entre la DRM et ladite société. Il a également affirmé que le gouvernement ne considère pas que cette collaboration puisse tomber sous le champ d’application de la loi du 27 juin 2018 relative au contrôle des exportations.

Cette réponse laisse à penser qu’actuellement, la collaboration d’une société luxembourgeoise avec un service de renseignement étranger ou encore la participation d’une société luxembourgeoise à des opérations militaires à l’étranger ne sont que très peu réglementées. Pourtant, il s’agit d’un domaine hautement sensible qui touche aux fonctions régaliennes de l’Etat.

Rappellons dans ce contexte que le Document de Montreux[1], soutenu par le Luxembourg depuis 2013, recommande que « les États d’origine devraient évaluer si leur cadre juridique national – qu’il soit central ou fédéral – est suffisamment propice au respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme pertinents par les EMSP [entreprises militaires et de sécurité privées] et par les membres de leur personnel, ou si, étant donné la taille et la nature de l’industrie nationale des entreprises militaires et de sécurité privées, il serait souhaitable d’adopter des mesures additionnelles pour encourager ce respect et pour réglementer les activités des EMSP ». S’il ne s’agit pas d’un instrument juridiquement contraignant, le Document de Montreux énumère néanmoins une série de bonnes pratiques en la matière.

Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Monsieur le ministre :

1) Est-ce que Monsieur le ministre peut confirmer qu’une société privée luxembourgeoise peut entamer une collaboration avec un service de renseignement étranger sans être légalement obligé d’en informer les autorités luxembourgeoises, respectivement de demander une autorisation pour de telles pratiques aux autorités ?

2) Est-ce que Monsieur le ministre peut confirmer qu’une société privée luxembourgeoise peut effectuer des opérations militaires dans un pays tiers sans être obligée légalement d’en informer les autorités luxembourgeoises, respectivement de demander une autorisation pour de telles opérations aux autorités ?

3) Monsieur le ministre ne juge-t-il pas nécessaire de réglementer davantage les activités dans le domaine militaire des sociétés luxembourgeoises ou pour le moins d’évaluer le cadre juridique national en la matière ?

4) Dans l’affirmative de la question 3, pouvez-vous me détailler quelles démarches vous préconisez ?

Avec mes salutations respectueuses,

Nathalie Oberweis


[1] Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées pendant les conflits armés.

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