Question parlementaire: Situation des Bénéficiaires de Protection Internationale en quête d’un logement au Luxembourg.

Monsieur le président,

Conformément à l’article 83 du Règlement de la Chambre des Députés, nous vous prions de bien vouloir transmettre la question parlementaire suivante à Madame la Ministre de l’Intégration et à Monsieur le Ministre de l’Asile et de l’Immigration ainsi qu’à Madame la Ministre de l’Intérieur et Monsieur le Ministre du Logement.

En septembre 2019, une lettre adressée par le directeur de l’OLAI à l’attention des résident.e.s bénéficiaires de la protection internationale du foyer EDIFF à Mondercange, avait pour objet une mise en demeure de quitter leur logement avant le 15 décembre 2019 sous peine d’une procédure judiciaire entamée à leur encontre. L’expéditeur de la lettre rappelle notamment que le statut de BPI ne donne plus droit aux aides matérielles d’accueil, comprenant l’hébergement, de l’OLAI en faveur des DPI. Les destinataires de la mise en demeure sont ainsi invités à « trouver un logement sur le marché privé qui est adapté à [leurs] besoins personnels ».

Or, Madame et Monsieur les Ministres ne sont pas sans savoir que les conditions d’accès à un logement au Luxembourg ne sont actuellement faciles pour personne, encore moins pour les ménages à bas salaires et/ou vivant en dessous du seuil de pauvreté. Pour rappel, le taux de travailleurs pauvres s’élève actuellement à 13%, le taux de pauvreté est de 18,3% et le salaire minimum tout comme le REVIS n’atteignent pas le budget de référence récemment mis à jour par la STATEC pour mener une vie décente au Luxembourg. Considérant ces problèmes d’envergure auxquels est confronté la population résidente, la situation des réfugié.e.s bénéficiaires de la protection Internationale, primo-arrivants marqués par une vulnérabilité sociale, économique et psychologique parfois extrême, ne peut guère être plus avantageuse. D’ailleurs, différentes organisations tels que le Flüchtlingsrot et la Commission Consultative des Droits de l’Homme, mais aussi tous les interlocuteurs de la société civile œuvrant sur le terrain à l’intégration des BPI, soulignent la forte dépendance de ces derniers aux aides dispensées par les offices sociaux. De fait, la crise du logement qui touche des pans toujours plus larges de la population par la poussée exponentielle des prix des loyers sur le marché privé de l’immobilier, renvoie à la responsabilité des communes et de l’Etat quant à la construction et la réhabilitation de logements publics et sociaux qui font actuellement défaut. Il s’avère que les communes ont l’autorité de fixer une surface minimale pour les logements construits sur leur territoire qui peut être prescrite dans le cadre du plan d’aménagement général de la commune. Sur le marché de l‘immobilier public, mais encore davantage sur le marché privé, le prix du loyer augmente avec la taille de la surface du logement. De même la loi du 25 février 1979 concernant l’aide au logement prévoit une surface minimum de 12m2 pour la première personne et 9 m2 pour toute personne complémentaire, sachant que pour les logements subventionnés, les enfants de 12 ans au moins doivent obligatoirement disposer d’une chambre à part. Compte tenu de ces critères, les possibilités d’accès à un logement correspondant aux besoins des personnes BPI en accord avec leurs revenus disponibles, semblent déjà considérablement limitées.

Partant, nous voudrions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Intégration et Monsieur le Ministre de l’Immigration et de l’Asile :

1) Vu les critères quant à la surface minimale autorisée d’un logement locatif sur le marché public et la pénurie générale de logements publics, sociaux et à coûts modérés, Madame et Monsieur les Ministres ne pensent-ils pas que les BPI et les populations vulnérables en général courent davantage le risque d’être mal-logés, c’est-à-dire dans des conditions insalubres et dans la promiscuité, en étant obligés de recourir aux offres de logements sur le marché privé ?

2) Madame et Monsieur les Ministres ne pensent-ils pas que cela constitue un obstacle à l’intégration et la cohésion sociale, selon la définition[1] donnée par l’article 2 de la loi du 16 décembre 2008 concernant l’accueil et l’intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg ?

Selon cette définition de l’intégration susmentionnée, « L’intégration est une tâche que l’Etat, les communes et la société civile accomplissent en commun ». L’une des 5 priorités du Plan d’Action National d’Intégration consiste en la « Mise en place d’un suivi et d’évaluation de la politique d’intégration à long terme » et de se donner les moyens nécessaires pour suivre les objectifs et mesures d’intégration fixés par le plan d’action susmentionné, notamment en ce qui concerne ici la recherche « des solutions aux défis de logement des BPI avec les autorités locales et autres en la matière ».

Partant, nous voudrions poser la question suivante à Mesdames les Ministres de l’Intégration et de l’Intérieur ainsi qu’à Monsieur le Ministre du Logement :

3) Mesdames et Monsieur les Ministres peuvent-ils nous faire part des démarches concrètes en cours au sein de leur ministère respectif ou dans la collaboration des ministères concernés pour trouver les solutions aux défis de logement des BPI ?

Enfin, dans son dernier rapport sur les conditions d’accueil des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale au Luxembourg, la Commission consultative des droits de l’homme soumet des recommandations quant au logement des BPI et propose notamment de faire « un recensement des logements étatiques et paraétatiques non occupés et d’engager des travaux de rénovation nécessaires pour agrandir le parc des logements sociaux et y réserver des places pour les BPI ».

4) Monsieur le Ministre du Logement et Madame la Ministre de l’Intérieur sont-ils prêts à suivre les recommandations de la CCDH, respectivement existent-il déjà des projets qui répondent à ces recommandations ?

La CCDH soulève également une problématique liée à des dispositifs de logement chez l’habitant et/ou en colocation, mis en place par des organisations de la société civile. En effet, les habitant.e.s des colocations sont considéré.e.s comme une communauté domestique, ce qui empêche des personnes individuelles d’avoir accès à certaines aides sociales, comme le REVIS par exemple ou encore la subvention loyer. Compte tenu de la situation particulière des BPI, la loi du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale a été modifiée de manière à ce qu’une personne majeure, hébergée à titre gratuit dans une communauté domestique où le REVIS n’est pas dû et pour laquelle la personne crée des charges pour la communauté, peut être considérée comme personne seule pour une durée maximale de douze mois et ne perd donc pas son droit au REVIS.

5) Monsieur le Ministre du Logement peut-il nous informer si une réglementation des colocations tenant compte de la problématique susmentionnée est en cours de route ?

6) Madame la Ministre de l’Intégration et de la Famille peut-elle nous dire si une modification ponctuelle de la loi du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale qui tienne compte de la problématique générale d’accès au logement et à l’autonomie financière pour les BPI tout comme pour les personnes exposées au risque de pauvreté et à l’exclusion sociale est prévue?

 

David Wagner                                                                                 Marc Baum

Député                                                                                              Député

[1] « Le terme intégration désigne un processus à double sens par lequel un étranger manifeste sa volonté de participer de manière durable à la vie de la société d’accueil qui, sur le plan social, économique, politique et culturel, prend à son égard toutes les dispositions afin d’encourager et de faciliter cette démarche. […] ».

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