Question parlementaire concernant les enseignements et les actions de réparation suite aux traitements inhumains subis pas un citoyen tunisien expulsé du Luxembourg

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 81 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre à Monsieur le Premier Ministre, Ministre d’Etat ainsi qu’à Messieurs les Ministres de la Justice et de l’Immigration la question parlementaire suivante :

Après une vaste opération de police le 31 mars 2003 et des perquisitions dans les milieux musulmans au Luxembourg, Monsieur Salmi Taoufik Kalifi, ayant la double nationalité tunisienne et bosniaque, fut arrêté et accusé d’appartenir à un réseau islamiste terroriste. Pourtant, on ne sortit aucune preuve des activités criminelles présumées. M. Taoufik fut  expulsé le 4 avril 2003 vers la Tunisie.  Un avis détaillé de la Commission  Consultative des droits de l’homme de décembre 2003 a fortement critiqué l’opération de police, l’expulsion – et le manque de collaboration des instances responsables pour son enquête. A une question parlementaire du député Serge Urbany du 6 août 2003 : « Le Gouvernement estime inopportun de répondre » (Réponse du 17 septembre 2003), en raison notamment de « la protection des secrets intéressant la sécurité extérieure de l’Etat ».

Les violations des droits de l’homme par le régime tunisien étaient déjà bien documentées par des ONG comme Amnesty international, et les dangers que l’expulsé devait encourir auraient dû être connus. Et en effet, Salmi Taoufik fut arrêté à l’aéroport par la police tunisienne, détenu au secret, longuement torturé, et finalement condamné en 2006 par un tribunal militaire à 6 ans de prison. Sorti de prison en 2009, il restait pourtant sous surveillance de la police. Le reportage récent dans un hebdomadaire luxembourgeois rappelle les souffrances subies par Salmi Taoufik et sa famille et leurs séquelles («Folter auf Lebenszeit ») et précise que celui-ci entend demander des comptes aux responsables – inclusivement à l’Etat luxembourgeois.

Je voudrais donc prier Messieurs les Ministres de répondre aux questions suivantes :

1. Le Gouvernement est-il prêt à rouvrir le dossier et fournir toutes les informations concernant les perquisitions et les expulsions de 2003 ? Et notamment :

2. Y eut-il des inculpations, des condamnations – respectivement des dédommagements de familles « perquisitionnées » ?

3. D’où émanaient les informations concernant le prétendu réseau islamiste ?

4. Qui disposait de quelles preuves concernant ce réseau ?

5. Les autorités luxembourgeoises ont-elles collaboré dans cette affaire avec les autorités tunisiennes, et si oui, en quoi consistait cette collaboration ?

6. Pourquoi le ou les suspects ne furent-ils pas soumis à la juridiction nationale ?

7. Après l’expulsion et les premières informations faisant état de la détention et des tortures, le Gouvernement est-il intervenu auprès des autorités tunisiennes, si oui, par quels moyens, et avec quels résultats ?

8. Le Gouvernement envisage-t-il une réparation morale et matérielle des torts affligés à Monsieur Salmi Taoufik et sa famille ?

9. La réparation morale éventuelle inclura-t-elle une enquête fournie des événements de 2003, dont les résultats seraient accessibles aux personnes concernées et au public ?

10. Actuellement, un ressortissant de la République Démocratique du Congo, défenseur des droits de l’homme, craignant pour sa sécurité et sa vie dans son pays d’origine, en est – après deux refus – à sa troisième demande d’asile. Les enseignements de l’affaire Salmi Taoufik ne devrait-elle pas inciter à plus de circonspection en ce qui concerne le traitement de telles demandes ?

En vous remerciant d’avance, Monsieur le Président, ainsi que Messieurs les Ministres, je vous prie de bien vouloir accepter l’expression de ma très haute considération.

André Hoffmann

-> Réponse

 

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