Question parlementaire concernant les données de base de la réforme fiscale – question supplémentaire relative à certaines catégories de revenus et de patrimoine

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 80 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre des Finances.

Par ma question parlementaire no 772 du 5 décembre 2014, je m’étais adressé à Monsieur le Ministre des Finances pour savoir de quelle façon le Gouvernement prévoit de réunir les données relatives à tous les revenus, avoirs et fortunes de personnes résidant ou opérant au Luxembourg, ces données (anonymisées) étant indispensables à la discussion d’une réforme fiscale en connaissance de cause.

Dans sa réponse du 14 janvier 2015, Monsieur le Ministre des Finances m’informa que «la plupart de ces données, étant soumises à l’impôt et/ou à la sécurité sociale, sont rapidement disponibles à partir des fichiers de l’Administration des contributions directes respectivement auprès de la Sécurité Sociale.» Monsieur le Ministre des Finances continua en soulignant, que «l’interconnexion des données issues des différentes institutions de sécurité sociale avec celles issues des déclarations de l’impôt sur le revenu des personnes physiques aboutira à un outil d’analyse inédit qui comporte l’essentiel des revenus composant l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, à l’exception des revenus du capital qui font l’objet d’une retenue à la source libératoire. Les informations ainsi collectées pourront, le cas échéant, être utilement complétées par des renseignements à la disposition du STATEC. En cas de besoin, des estimations et des simulations devront être effectuées pour des données qui ne seraient pas directement disponibles.»

Dans cet ordre d’idées, j’aimerais soulever la problématique de plusieurs types de données, qui, à mon avis, ne sont actuellement pas disponibles auprès de l’ACD, de la Sécurité Sociale ou du STATEC, et pour lesquelles une estimation ou une simulation ne suffiront en aucun cas pour déterminer de façon assez précise la grandeur d’ordre par bénéficiaire (qui – et c’est important – pourra cumuler ces revenus ou avoirs avec d’autres revenus professionnels), à savoir:

1)    Les revenus de capital mobilier et immobilier, dont les intérêts sur obligations, dépôts ou créances (imposés selon la retenue libératoire nationale à un taux de 10% à la source de sorte que l’administration fiscale ne connaît pas le bénéficiaire de ces intérêts). Beaucoup des personnes bénéficiant ainsi d’un taux libératoire de 10%, devraient payer un impôt de 40% sur leurs revenus d’intérêts, au cas où ceux-ci seraient cumulés avec leur revenu professionnel.

Comment Monsieur le Ministre veut-il faire rassembler les données relatives à ces bénéficiaires, leurs revenus d’intérêts et leur revenu total?

2)    La plus-value réalisée sur la vente de titres financiers (actions, obligations, dérivés, etc.) est un revenu non imposé après une période de détention de plus de 6 mois. Si les titres sont détenus plus de 6 mois, la plus-value réalisée n’est plus considéré comme un bénéfice de spéculation et l’administration des contributions ne demande même pas la déclaration de ces plus-values. Aucune administration ne connaît l’existence des plus-values et elles ne peuvent par conséquent figurer dans aucune statistique concernant les revenus. Même pour les enquêtes européennes (EU-SILK) effectuées  par le STATEC, ces plus-values ne devraient pas apparaître, puisque le calcul de la plus-value nécessite une comptabilité détaillée. Pour les personnes aisées disposant d’un portefeuille de titres, la réalisation de ces plus-values peut apporter des revenus non négligeables dépassant facilement les revenus professionnels. Dans la mesure où ces personnes aisées n’ont pas besoin de ces fonds pour couvrir leurs dépenses journalières, elles ne vont procéder à la vente de ces titres qu’au moment où elles sont certaines de réaliser une plus-value, plus-value qui n’est pas considérée comme revenu et n’est donc ni imposée, ni connue par les administrations en cause.

Comment Monsieur le Ministre veut-il faire rassembler les données relatives à ces plus-values, leurs bénéficiaires et leur revenu total?

3)    Les dividendes sur actions subissent une retenue à la source de 15%. Le contribuable doit déclarer les dividendes perçus, mais elles ne sont prises en compte comme revenu qu’à raison de 50%, sous le prétexte que l’autre moitié ait déjà été imposée au niveau de l’entreprise (tandis que l’affaire « LuxLeaks » a montré la réalité de l’imposition des bénéfices des grandes entreprises et multinationales). Comme l’impôt retenu à la source est pris en compte pour le décompte final des impôts dus, le données y relatives pourraient être accessibles pour l’administration des contributions.

Monsieur le Ministre est-il d’accord pour faire rassembler les données relatives à l’entièreté des dividendes sur actions, leurs bénéficiaires et leur revenu total?

4)    Les stock-options (en cas de vente) et les rémunérations des stock-options bénéficient également d’une imposition forfaitaire.

Monsieur le Ministre est-il d’accord pour faire rassembler les données relatives à aux plus-values de vente et de rémunération des stocks options, leurs bénéficiaires et leur revenu total?

5)    L’impôt sur la fortune des personnes privées a été aboli et il n’existe pas d’impôt sur les successions en ligne directe, de sorte que l’administration fiscale ne dispose plus d’informations concernant le patrimoine des personnes.

Comment Monsieur le Ministre compte-t-il faire rassembler les données relatives aux fortunes des personnes privées et aux successions en ligne directe?

Toutes ces données, leurs bénéficiaires, de même que le revenu total et le patrimoine total de leurs bénéficiaires (anonymisé) sont indispensables pour une discussion d’une réforme fiscale en connaissance de cause. Soulignons que la présidente du Comité économique et social (CES), Madame Pascale Toussing, dans une interview à PaperJam du 8 mars 2015, indiqua: «… je pense qu’il ne doit pas y avoir de tabou dans la discussion, pas d’apriori. D’où la nécessité de disposer d’un aperçu exhaustif des données de base sans lesquelles aucune conclusion ne serait possible.» Il s’agirait de «mettre préalablement chaque partie sur un même pied d’égalité en matière d’informations de base.»

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Justin Turpel,
Député

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