Zu Gast am Land
A entendre les partis gouvernementaux, l’on pourrait presque croire que le Luxembourg est un pays de cocagne ou tout irait pour le mieux. Le ministre de l’Economie, dans sa logique purement comptable, se félicite de la croissance du PIB, ignorant que celle-ci peut également se faire au détriment de la population.
Plus primaire encore, le ministre des Finances est aux anges lorsque les agences de notation octroyent à nouveau au Luxembourg le fameux « triple A », la bonne note que les marchés financiers attribuent aux élèves obéissants. Ce qui n’a rien de rassurant.
Pourtant, tout n’est pas « am Botter » et presque personne ne semble s’en émouvoir. A la confusion nauséabonde entre « croissance » et le danger supposé d’une invasion étrangère entretenue par certains milieux aux discours alarmistes sur la disparition de la langue luxembourgeoise qui ne s’est pourtant jamais aussi bien portée, les problèmes fondamentaux et réels ne sont pas ou peu abordés par les milieux dirigeants.
Il y a pourtant à faire: malgré (ou à cause de?) notre PIB ou notre « AAA », le risque de pauvreté ne cesse d’augmenter, atteignant désormais les 16%. Malgré (ou à cause de?) notre PIB ou notre « AAA », le salaire mininum se situe en-dessous du seuil de pauvreté. Malgré (ou à cause de?) notre PIB ou notre « AAA », trouver un logement décent à un prix abordable est devenu un parcours du combattant. Nous pourrions poursuivre la liste.
Il y a des solutions à cette crise et elle réside dans le renversement de la logique libérale: il faut redistribuer les richesses en augmentant les salaires (alors que la productivité augmente!) et en réduisant le temps de travail, il faut renforcer les droits des salarié-e-s et il faut mettre un terme à l’autorégulation par le marché de la politique du logement.
A la crise sociale très réelle s’ajoute la crise écologique qui ne relève plus de l’anticipation, mais dont les conséquences se font désormais ressentir, y compris au Luxembourg: dépérissements des sols, sécheresse (qui fait croître les prix des fourrages pour l’agriculture), inondations, incendies…
Les conséquences néfastes aussi bien de la crise sociale que de la crise écologique relèvent toutes du même système économique et productif.
La logique est implacable: a) ce sont les plus riches qui sont le plus responsables des déréglements écologiques (au niveau planétaire entre les nations et au sein des nations entre les classes sociales); b) ce sont les moins riches qui souffrent le plus des conséquences de la crise écologique; c) les remèdes contre la crise écologique ne doivent pas se faire au détriment des moins riches.
Ce que nous avançons a d’ailleurs été confirmé dans une étude d’Oxfam datant de 2015 ainsi qu’une étude de Thomas Piketty et Lucas Chancel parue en 2015.
S’il existe donc un lien causal entre un système accaparateur de richesses issues du travail et de la nature, les solutions sont toutes aussi causales.
On peut déjà agir en se fixant des objectifs clairs et précis: 20% de la surface agricole devrait être cultivée de manière biologique jusqu’en 2025 et mettre en place un mix énergétique de 100% jusqu’en 2050. Même dans la politique du logement, une Société publique de l’Habitat pourrait prendre en main l’assainissement énergétique des logements. D’autres exemples pourraient s’y ajouter.
S’il faut encourager toutes les initiatives globales allant dans ce sens, cela ne nous exonère pas pour autant, au contraire, d’agir là où nous sommes, c’est-à-dire au Luxembourg.
David Wagner
Député de déi Lénk