Diversifier notre économie grâce aux crises (militaires) ?

Zu Gast am Land

En juin 2018, Etienne Schneider déposa le projet de loi 7325 qui vise à modifier trois lois en lien avec les opérations, l’organisation et le financement militaire. Après les élections, c’est au nouveau ministre de la défense François Bausch de défendre le projet. Les changements proposés sont loin d’être cosmétiques, il s’agit d’un véritable changement de paradigme pour la politique de Défense du Luxembourg.

(1) Le gouvernement veut déployer l’armée quand et où bon lui semble : La loi actuelle limite la participation de l’armée luxembourgeoise à des opérations de « maintien de la paix » effectués dans le cadre d’organisations internationales. La réforme prévoit de remplacer les « opérations de maintien de la paix » par des « missions de gestion de crises » et ceci « dans le cadre de coopérations bilatérales décidées par le Gouvernement ». Un mandat international n’est donc plus requis, permettant en théorie des interventions militaires offensives et même illégales en vertu du droit international.

(2) La procédure pour déployer l’armée est raccourci, les instances de contrôle démocratique sont court-circuités : Selon la loi actuelle, le Conseil d’État et la Conférence des Président de la Chambre des Députés doivent donner obligatoirement leur avis sur chaque opération militaire ou civile à l’étranger. Désormais une simple consultation de la commission compétente de la Chambre des Députés suffira.

(3) Le gouvernement veut investir comme bien lui semble dans la militarisation : Avec les modifications, la quasi entièreté des dépenses militaires pourront être financés directement depuis le Fonds d’équipement militaire, dont la dotation est fixée chaque année par loi budgétaire. Tout nouveau projet (p. ex. achat d’un avion) n’aura plus besoin d’une loi de financement spécifique et donc plus de débat au Parlement. Comme l’explique l’exposé des motifs, cela vise « à faciliter le développement d’une véritable politique économique et industrielle » dans le secteur de la défense.

Ainsi le gouvernement opère un revirement particulièrement dangereux dans sa politique étrangère. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, il va jusqu’à déclarer obsolète le cadre des Nations-Unies et le droit international, défendant la nécessité de pouvoir agir en-dehors de tout mandat et dans une multitude de types d’opérations pour « renforcer sa fiabilité envers ses alliés ».

S’y ajoute une constante augmentation du budget militaire : les 365 millions prévus pour 2019 sont plus que le double qu’il y a 10 ans et le budget militaire dépassera dans quelques années les sommes dédiés à la coopération internationale. déi gréng et LSAP prônent les retombés civiles et économiques pour faire oublier que finalement tout investissement militaire sert à des fins militaires. Ainsi le Luxembourg participe à la renaissance de la militarisation des blocs. Le satellite Govsat est p.ex. déjà utilisé par des drones qui effectuent des missions d’observation de la Russie. Pour déi Lénk, le Luxembourg devrait miser entièrement sur la diplomatie et la coopération. Les besoins en ressources et le changement climatique vont générer les conflits de demain. Investir dans ces défis actuels devra primer sur la tentation de se montrer bon élève de l’OTAN.

Gary Diderich, co-porte-parole de déi Lénk

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