André Hoffmann – Murray Smith – Fabienne Lentz
Alors que les politiques d’austérité de l’Union Européenne conduisent à la récession, menacent ce qui reste de l’Etat social, accroissent les inégalités sociales ; alors que la politique se soumet aux diktats des marchés financiers au lieu de les contrôler ; alors que les courants xénophobes et antieuropéens gagnent en influence, et que certains pays comme la Grèce s’enfoncent dans une crise politique – les élections présidentielles en France promettent au moins un nouveau souffle pour redresser l’Europe.
Face à cette nouvelle donne, la responsabilité des dirigeants européens et nationaux est énorme. Cela vaut aussi pour la majorité parlementaire et le gouvernement du Luxembourg. Si les propositions très modérées du président élu du 2e pays de la zone euro butent sur une fin de non-recevoir ou sont diluées à ne plus être reconnaissables, cela conduirait non seulement à une perte définitive de la légitimité démocratique de l’Union Européenne, mais serait aussi de l’eau sur le moulin des extrêmes-droites européennes.
Au contraire, il faudrait enfin saisir l’occasion de changer de cap et de rétablir le primat de la démocratie sur les pouvoirs économiques et financiers. On devrait à la fois prendre des mesures rapides et efficaces, comme par exemple :
– aides financières directes aux Etats membres par la BCE éventuellement via la BEI en court-circuitant les marchés financiers,
– nouvel impôt sur les transactions financières pour financer des investissements socialement utiles et écologiquement soutenables,
et préparer une réorientation générale.
Il ne suffira pas de compléter les traités par une déclaration vague en faveur d’une croissance non définie. Une nouvelle croissance, pour être durable socialement et écologiquement, devra être sélective, privilégier les besoins sociaux et la réduction des inégalités, et les investissements nécessaires pour la reconversion écologique de l’économie. Il faut définitivement rejeter l’obsession dogmatique des « réformes structurelles » au service de la « compétitivité » et qui reviennent avant tout à l’abandon de l’Etat social au sens le plus large.
La procédure de négociation et le contenu des nouveaux traités sur la stabilité financière sont contraires aux principes les plus élémentaires de la démocratie. Une intégration européenne plus forte, une gouvernance économique, sociale, voire culturelle est certes nécessaire. Mais il faut rejeter l’actuel fédéralisme exécutif qui met sous tutelle les parlements nationaux sans développer, à l’échelle de l’Europe, des mécanismes démocratiques appropriés. Nous saluons toutes les initiatives qui appellent à un renouveau social et démocratique de l’Europe, nous soutenons notamment le récent appel «Refonder l’Europe – Europa neu begründen » initié par des syndicalistes, scientifiques et philosophes allemands (Elmar Altvater, Frank Bsirske, Rudolf Hickel, Jürgen Habermas, Frieder Otto Wolf…).
Nous lançons un appel pressant au gouvernement luxembourgeois et à la Chambre des Députés, mais aussi à tous les acteurs de la « société civile » au Luxembourg, de saisir l’occasion propice pour relancer le débat sur un redressement social, écologique, culturel et démocratique de l’Europe.
(déi Lénk)
Annexes
- Extraits d’un document de travail sur la politique économique et sociale en Europe du groupe de travail Economie de déi Lénk
- Refonder l’Europe
- Europa neu begründen