Au niveau global, une femme sur trois a déjà été victime de violences basées sur le genre. Au Luxembourg, en 2022, 60% des victimes de violence domestique étaient des femmes. Une enquête récente du STATEC indique que 20% des femmes de 16 à 74 ans ont été touchées par des actes de violence physique, sexuelle ou psychologique au moins une fois au cours de l’année 2019/2020. Selon les statistiques du European Institute for Gender Equality (EIGE), 444 femmes de 10 états membres de l’UE ont été tuées par leurs conjoints intimes en 2020.[1] En 2021, 2500 femmes sont mortes en Europe, tuées par leur partenaire ou membres de la famille.[2] Au Luxembourg, en 2022, cinq femmes ont été tuées, dont au moins deux à la suite d’un crime motivé par leur genre, selon la Police Grand-Ducale[3].
Du côté des chiffres officielles sur la violence domestique qui sont publiées chaque année dans le « Rapport violence » du comité de coopération interprofessionnel (Ministère Egalité F/H, Ministère de la Justice, Ministère de la Sécurité Intérieure, Police G-D, Parquets Luxembourg et Diekirch, Service d’Assistance aux victimes de violences domestiques, service d’aide aux auteurs de violence domestiques etc.) on distingue également une tendance vers la hausse des violences domestiques.
Interventions policières | Expulsions | |
2019 | 849 | 265 |
2020 | 943 – chiffre le plus élevé depuis 2011 | 278 |
2021 | 917 –diminution de 2,76% par rapport à 2020. | 249 – diminution de 10,43% par rapport à 2020. |
2022 | 983 – augmentation de 7,2% par rapport à 2021 | 246 |
En 2022, au Luxembourg, 2.521 personnes étaient ainsi victimes de violences physiques, 2.374 victimes de violences psychologiques, 150 violences domestiques sexuelles ont été signalées, ainsi que 264 victimes de violences économiques.
A noter également que la violence économique n’est que depuis 2022 comptabilisée dans le rapport violence et elle compte pour 4,6% des cas. On entend par violence économique, le chantage financier ou encore l’exploitation financière d’une personne par une autre.
En 2022, les trois quarts des violences ont été effectuées par un époux ou un partenaire.
941 personnes ont subi des violences domestiques perpétrées par un partenaire ou un ex-partenaire.
On constate aussi un nombre disproportionnellement bas d’expulsions en comparaison avec le nombre d’interventions policières. La quantité de condamnations définitives d’auteurs de violence domestique est minime en comparaison avec le nombre de dossiers dont le Parquet a été saisi.
Pour 1489 dossiers dont le Parquet a été saisi en 2022 :
- 153 jugements ont été prononcés en matière de violence domestique.
- Seulement 70 affaires sont définitivement terminées.
Sur un total de 246 dossiers d’expulsion :
- 59 cas de récidive ont été enregistrés
- 229 expulsions concernaient des hommes
En 2022, 130 prolongations d’interdiction de retour au domicile ont été ordonnées.
Il y a eu 113 demandes d’interdiction de retour au domicile.
Quantifier/chiffrer la violence faite aux femmes
Les chiffres dont on dispose ne mettent pas en lumière l’ampleur réelle du phénomène de la violence basée sur le genre. Ils permettent en revanche de notifier que la situation est très inquiétante. Parler d’urgence féministe est légitime. Lutter contre ces violences est une urgence féministe.
Au Luxembourg il y a un manque accru en statistiques, chiffres et études sur les violences faites aux femmes. Comment éradiquer ces violences si on ne dispose même pas d’informations sur leur contexte et leur ampleur ?! Il nous faut des données sur les conditions sociales des victimes comme des auteurs.
En l’absence d’une méthodologie précise de collecte de données sur la violence domestique, les chiffres ne racontent pas grand-chose sur le contexte sociologique dans le lequel a eu lieu la violence.
Pour mieux lutter contre la violence domestique et pour aider davantage les victimes et décourager les potentiell.e.s auteur.ices de violence, nous avons besoin de savoir:
Quels actes de violence sont les plus fréquents (viol, agression sexuelle, agression physique, harcèlement …) ? Qui est concerné (Homme, Femme, Personne non-binaire, enfants et autres membres de la famille) ? Quelle est la situation économique et sociale de ces personnes (catégorie professionnelle, sans-emploi, catégorie de revenu, enfants à charge)? Dans quelles conditions de logement vivent-elles?
Nous avons élaboré 6 questions parlementaires dont l’objectif est clairement de pousser le gouvernement à fournir les informations et données manquantes au sujets des violences domestique et conjugale.
Alerté sur les violences basées sur le genre déi Lénk a fait appel aux ministres compétentes via des questions parlementaires interrogeant entre autres le manque de données sur la violence de genre , la procédure d’expulsion du partenaire violent et les places disponibles dans les foyers pour femmes en détresse, ainsi que les situations des femmes détenu.e.s et des personnes intersexes et non-binaires.
déi Lénk a également ouvert le débat sur les Violences Gynécologiques et Obstétricales (VGO) à la Chambre des Députés.
Au coeur de la violence domestique :
la violence à l’encontre des femmes basée sur le genre.
La « violence à l’égard des femmes » désigne
« tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».[4]
La violence domestique désigne
« tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».
La violence envers les femmes fondée sur le genre désigne
« toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée. »
La violence basée sur le genre désigne
« Une violence qui se dégage de la domination masculine et des valeurs patriarcales. Elle inclut les violences de caractères homophobe et transphobe lorsque les personnes ne se conforment pas au genre masculin ni au genre féminin.»
[1] Femicide: Name it, count it, end it! | European Institute for Gender Equality (europa.eu)
[2] https://www.unwomen.org/fr/nouvelles/reportage/2022/11/cinq-faits-essentiels-a-connaitre-sur-le-feminicide
[3] Police Grand Ducale https://observatoire-egalite.lu/violence-domestique/nombre-de-meurtres-et-de-tentatives-de-meurtres-enregistres-dans-le-contexte-de-la-violence-domestique/
[4] Convention d’Istanbul, article 2 et 3. https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/text-of-the-convention
Inscription du féminicide dans le Code pénal :
Partout dans le monde des milliers de femmes sont assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint, ou bien par des hommes haineux envers les femmes. Cette violence extrême est une violence de genre et l’expression fatale de la domination masculine. Comme p.ex. l’Italie, l’Espagne et la Belgique, le Luxembourg devrait reconnaître qu’il s’agit d’une forme spécifique de violence qu’il faut chiffrer et inscrire dans le Code pénal.
Le féminicide c’est l’assassinat d’une femme à cause de son genre souvent par le partenaire ou ex-partenaire (environ dans 40% des cas ). Il s’agit d’une violence clairement machiste et misogyne dont les auteurs sont pour la majorité des hommes. Les féminicide doit donc être considéré en lien avec l’évolution des rapports inégaux de sexe.
déi Lénk lutte depuis 2020 pour la reconnaissance du terme « féminicide » pour désigner une forme spécifique de violence basée sur le genre qui n’est ni comptabilisé, ni jugée et sanctionnée comme telle.
Pour déi Lénk cette reconnaissance politique et sociale du « féminicide » doit également passer par une reconnaissance juridique. Nous avons posé la question de l’inscription du féminicide dans le Code pénal aux ministres de la Justice et de l’Egalité Femmes-Hommes – à deux reprises!
Les ministres compétentes du gouvernement précédent considéraient que cette démarche n’est pas nécessaire:
« Seul le meurtre et l’assassinat ne comportent pas de peine plus sévère, la sanction étant la réclusion à vie dans tous les cas. Il n’est partant pas nécessaire d’introduire le terme de féminicide dans le Code pénal en tant que circonstance aggravante, au vu de la législation déjà existante depuis la Loi de 2003. Une « suraggravation» de l’infraction n’est pas opportune et ne présente aucun avantage concret. »
Le gouvernement CSV-DP actuel ne déclare rien de plus que de vouloir évaluer les mesures appliquées par le gouvernement précédent. S’il emploie le terme « féminicide » dans son accord de coalition, rien n’indique sa volonté de l’inscrire dans le code Pénal.
La reconnaissance juridique du féminicide n’est pas réductible à une de question de sanctions et punitions. Elle permettrait au contraire la mise en place d’un processus de jugement et d’évaluation des peines qui tiennent compte de la problématique de genre et des rapports inégaux entre hommes et femmes. En l’occurrence, depuis 2004, l’Espagne a mis en place des tribunaux spécifiques pour les affaires de violence conjugale ce qui a permis de réduire de 24% les féminicides!
Le Belgique vient de déposer un projet de loi, permettant d’inscrire le féminicide en tant que homicide d’une femme à cause de son genre dans le code Pénal et se dote d’un système de quantification des féminicides.
Un système d’enregistrement et de suivi des plaintes qui rend justice aux victimes de violences :
Au Luxembourg, seulement 7,5% des plaintes déposées connaissent une suite. Lors du dépôt de plainte, les victimes sont souvent mal reçues. La Police manque de personnel, de ressources et de formations pour bien pouvoir prendre en charge les plaignantes. Il faut leur donner ces moyens !
Nous ne nions pas que la Police et la Justice sont des institutions qui peuvent elles-mêmes être génératrices de violences de genre et de sexisme – comme lorsqu’un agent de Police refuse de prendre en compte la plainte d’une victime de viol ou en pratiquant le victim blaming, ou encore quand la procédure judiciaire est trop longue et la plainte classée sans suite. Pourtant, les victimes ne peuvent pas jouer les justicières. Nous avons besoin d’un système judiciaire en capacité de prendre efficacement en charge les personnes et leurs plaintes. Il serait judicieux que les victimes soit d’abord entendues par des assistant.e.s social.e.s. qui élaborent un premier procès-verbal servant de base à l’enregistrement d’une plainte dans un bureau de Police…
Les obstacles au dépôt de plainte frôlent parfois l’absurde. Ainsi déi Lénk a été alerté sur un cas de refus d’enregistrement d’une plainte pour violence domestique sous prétexte qu’une.e traducteur.ice impartial.e n’était pas disponible pour aider l’agent.e à enregistrer le récit de la plaignante.
Nous voulons mettre un terme aux violences basées sur le genre avec un paquet de mesures qui mise sur la prévention, l’accès à des moyens judiciaires et la protection des victimes de violences domestiques
déi Lénk veut un plan d’action comprenant:
– une loi cadre contre la violence sexiste;
– un tribunal spécial pour les cas de violences domestiques;
– une simplification du système d’enregistrement et de suivi des plaintes;
– une assistance juridique gratuite;
– un budget spécial pour la création de foyers pour femmes et de logements pour les victimes de violences domestiques.
– l’inscirption du féminicide dans le code pénal.
Voici le lien vers notre brochure.
Mettre à l’abri et protéger les victimes de violences domestiques :
Comment une femme peut-elle quitter son partenaire violent si elle n’a pas les moyens de déménager et que les foyers sont pleins ? Les femmes sans domicile fixe sont extrêmement exposées aux violences sexuelles. Il faut davantage de logements sociaux et de la place dans les foyers ! Les femmes migrantes ont subi des violences de genre dans leurs pays d’origine, mais ne bénéficient pas d’un droit d’asile catégorique au Luxembourg. Le Luxembourg doit respecter ses engagements pris envers la Convention d’Istanbul !
La crise du logement touche de manière disproportionnée les familles mono-parentales dont la majorité sont des femmes. Pour les femmes pauvres, les femmes migrantes, les femmes racisées, le non-accès à un logement en cas de violence domestique est une double violence subie. déi Lénk est engagé dans la lutte contre la crise du logement, la spéculation immobilière et le laisser-faire par les pouvoirs publics. Avec sa campagne Wunnen ass kee Business déi Lénk présente des solutions à la crise et apporte des informations importantes sur le droit des locatair.ices.
En pleine Orange Week 2022 les structures d’accueil pour femmes en détresse tirent la sonnette d’alarme: environ 70 personnes se trouvent actuellement sur les listes d’attentes pour obtenir une place dans un foyer et donc à l’abri des violences. A ce sujet déi Lénk a envoyé une question parlementaire à la ministre de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes. La réponse à cette question révélera entre autres si le Luxembourg respecte les dispositions de la Convention d’Istanbul relatives à l’accès aux foyers et structures d’accueil pour femmes en détresse pour les femmes qui n’ont pas de titre de séjour valide. En 2023, la situation n’est toujours pas réglée.