Ce jeudi 21 juin 2018, les juges du Tribunal de l’Union européenne assisteront à un spectacle aussi insolite qu’absurde. Ils verront en effet les conseils juridiques du gouvernement luxembourgeois, payés sur les deniers de l’État, voler au secours des avocats de Fiat Chrysler Finance Europe, et plaider contre les intérêts des contribuables luxembourgeois.
Dans cette affaire, l’objectif de l’État luxembourgeois sera le même que celui de la multinationale italo-américaine : faire annuler la décision de la Commission européenne du 21 octobre 2015. Celle-ci avait ordonné au fisc luxembourgeois de récupérer entre 20 et 30 millions d’euros de recettes fiscales dont il avait indûment fait grâce à Fiat Chrysler sur la base d’un montage fiscal. En effet, la Commission, notant que « toutes les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites et qu’il s’agisse ou non de multinationales, doivent payer leur juste part de l’impôt », avait alors estimé que les rulings fiscaux accordés par le Luxembourg à des multinationales n’avaient « aucune justification économique » et constituaient, par conséquent, des aides d’État illégales au regard du droit de l’UE.
En prenant cette décision, la Commission saisissait enfin à bras-le-corps un problème trop longtemps négligé : celui du dumping fiscal systématique, dont le Luxembourg a fait une des assises de son économie.
déi Lénk constate :
(-) qu’en déposant ce recours, le gouvernement s’obstine à soutenir la politique d’optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales, au détriment des États et des populations ;
(-) que même après le procès Luxleaks, fortement dommageable pour l’image de notre pays, le gouvernement continue de promouvoir la place financière comme refuge fiscal pour les ultrariches et les multinationales ;
(-) que les belles paroles gouvernementales invoquant le « level playing field », la justice fiscale et la transparence relèvent de la désinformation pure et simple ;
(-) que l’obstination du gouvernement dans cette affaire est rejointe par son opposition à toute une série de réformes, comme l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), l’introduction de nouvelles mesures BEPS, les règles en matière de transparence ou l’imposition des GAFA.
déi Lénk demande au gouvernement luxembourgeois :
(-) de retirer son recours dans l’affaire T-755/15 et d’exécuter sans tarder la décision de la Commission en date du 21 octobre 2015 ;
(-) de mettre fin à sa politique d’opposition systématique aux mesures d’harmonisation fiscale proposées aux niveaux international et européen ;
(-) d’entamer une stratégie de sortie du modèle des niches fiscales souveraines du secteur financier qui sont particulièrement nuisibles.
déi Lénk souligne que la pression internationale par rapport à l’évasion fiscale va augmenter et que ce type d’activités sera de toute évidence difficile à maintenir. Mieux vaut en sortir de manière volontariste et progressive en coopérant avec les instances européennees et internationales que d’y être contraint à moyen terme sous la pression. Une telle démarche constructive permettra au Luxembourg d’œuvrer en faveur d’une réforme plus fondamentale du système financier mondial – au lieu d’en constituer un facteur de blocage permanent, comme c’est le cas actuellement.