Ce mot d’ordre, régulièrement présent aux manifestations de Youth for Climate, revendique une remise en cause fondamentale des priorités économiques et sociales, pour contrecarrer le réchauffement planétaire.
L’on peut bien interpréter ce slogan de manière plus ou moins radicale, depuis une attaque en règle contre le système économique en place, jusqu’à un appel mesuré pour une gestion rigoureuse des ressources de la Terre dans le cadre existant. N’empêche qu’il y a accord sur l’urgence du changement, sur le coût extrêmement élevé de la décarbonisation – de l’ordre de 1.000 milliards d’€ l’an rien qu’en Europe suivant les calculs de la Cour des comptes européenne – et sur le caractère obligatoirement démocratique et socialement soutenable des décisions et des mesures à prendre.
Or tout porte à croire que le système capitaliste actuel ne permettra pas de relever cet immense défi auquel l’humanité est confrontée.
Il faut relever d’abord que la déréglementation des marchés financiers, la privatisation des services publics, le démontage des droits sociaux et les politiques de dumping fiscal ont conduit à une exploitation démesurée des hommes et de la nature, à un accroissement des inégalités et de la misère sociale et à un affaiblissement dramatique des pouvoirs publics et des processus démocratiques.
Il faut constater ensuite que les financiers privés, à qui les politiciens libéraux, conservateurs et sociaux-démocrates ont confié les clés de la planète, n’ont pas la durabilité dans le collimateur et continuent de privilégier le profit maximal à court terme aux dépens de l’intérêt public.
Le poids minimal de la finance dite “verte” montre cette défaillance. S’il est fréquemment mis en évidence que 39% du capital investi dans des fonds durables au niveau mondial sont investis sur la place financière de Luxembourg, ce pourcentage élevé masque l’importance marginale relative des fonds durables, qui ne pèsent que 1 % du capital mondialement investi. Pour ce qui est des green bonds, ils ne constituent que 2% du stock de toutes les obligations. Aussi le Global Green Finance investment index de cette année note-t-il : “ … so long as oil and gas companies remain profitable, they can attract other investors.” La politique d’investissement du Fonds de compensation luxembourgeois illustre d’ailleurs ce constat désolant.
Quant au projet de “taxonomie” adopté récemment par le Conseil européen, qui définit les critères de durabilité environnementale à l’intention des gestionnaires d’actifs (fonds d’investissement, assureurs, banques) et de leurs clients, il se trouve déjà exposé au feu des critiques des lobbies financiers. Ainsi la directrice de lobbying du géant américain Invesco, qui comportait 1,18 trillion de $ d’actifs sous gestion au 30 septembre dernier, le qualifie de “très contraignant” et “prenant une mauvaise direction”. Elle estime que “les règles et détails techniques” seraient “très restrictifs”.
La défection de ceux qui ont la main sur les moyens de financement et dès lors sur la production est inacceptable et il faut veiller à capter les fonds nécessaires auprès d’eux et à les investir dans la transition. C’est bien aux pouvoirs publics qu’il revient d’assumer leur responsabilité au moyen de mesures coercitives et d’une politique fiscale permettant de soustraire aux détenteurs des capitaux privés les ressources nécessaires pour financer ces mesures.
Guy Foetz
Conseiller communal déi Lénk à la ville de Luxembourg