Monsieur le Président,
Conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes.
La Commission PANA du Parlement Européen, qui enquête actuellement sur les questions de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, a entendu lors de sa séance du 9 mai 2017 le Secrétaire Régional des Finances de la région autonome portugaise de Madère. Celui-ci expliquait devant la Commission PANA qu’en raison d’un changement de la législation fiscale de la région autonome de Madère adopté à la fin de l’année 2011, beaucoup d’entreprises et de banques avaient quitté l’île pour d’autres juridictions :
« A cette époque, les nouveaux régimes sont entrés en vigueur en obligeant les entreprises à payer l’IRC [impôt sur le revenu des personnes collectives] à un taux de 3 pour cent, avec des plafonds de création de postes de travail. C’était en raison de l’obligation de création de postes de travail que beaucoup d’entreprises sont sorties de la région de Madère. Nous sommes passés de 6.000 entreprises, en 2000, à environ 1.500 entreprises plus récemment, en lien direct avec cette modification du régime et l’exigence accrue au niveau de la création de postes de travail. Comme je l’ai dit, ces entreprises sont sorties de Madère pour d’autres juridictions en Europe, notamment le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche, mais aussi, pour ce qui est banques, les transferts ont été faits pour d’autres places comme Hong Kong et Luxembourg ».
Et Monsieur le Secrétaire Régional des Finances de poursuivre : « Je peux même vous raconter un épisode : en janvier 2012, l’ambassadeur du Luxembourg s’est déplacé à Madère pour obtenir de la part de la région la liste des entreprises qui voulaient sortir de Madère, exactement pour essayer que ces entreprises aillent au Luxembourg ».
Considérant ce qui précède, je voudrais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre :
1) Est-ce que M. le Ministre peut confirmer que l’ambassadeur du Luxembourg au Portugal s’est rendu en janvier 2012, ou à un moment proche de cette date, sur l’île de Madère? Si oui, est-ce que Monsieur le Ministre, respectivement le Ministère des Affaires étrangères (MAE), a été à l’initiative de cette visite et quel était l’objet officiel de cette visite?
2) Est-ce que Monsieur le Ministre peut confirmer que l’ambassadeur du Luxembourg au Portugal s’est procuré en janvier 2012, ou à un moment proche de cette date, une liste des entreprises et des banques installées à Madère avec l’objectif de les attirer, d’une manière ou d’une autre, au Luxembourg? Si oui, est-ce que cette démarche a été menée sur initiative de Monsieur le Ministre, respectivement du Ministère des Affaires étrangères (MAE)?
3) Est-ce que Monsieur le Ministre peut confirmer que l’ambassadeur du Luxembourg au Portugal a activement engagé des démarches auprès des entreprises et banques installées à Madère, afin de les attirer d’une manière ou d’une autre au Luxembourg, respectivement que l’ambassadeur du Luxembourg au Portugal a facilité des contacts avec d’autres services d’Etat du Luxembourg et des entreprises et des banques de Madère avec ce même objectif?
4) Dans l’affirmative des questions précédentes, est-ce que les entreprises et banques installées à Madère ont été encouragées par l’ambassadeur du Luxembourg au Portugal, ou par d’autres représentants du Luxembourg, de s’installer au Luxembourg, avec, notamment ou exclusivement, des arguments fiscaux ? Si oui, est-ce que ces arguments fiscaux incluaient la possibilité pour les entreprises et banques de se voir accorder un rescrit fiscal (décision anticipée des autorités fiscales) à des conditions plus avantageuses que celles mises en place par le nouveau cadre fiscal de Madère ?
5) Partant du principe que les propos du Secrétaire Régional des Finances de la région autonome de Madeira correspondent entièrement ou en partie à la réalité, est-ce que Monsieur le Ministre considère qu’une telle démarche est conciliable avec le principe de solidarité entre pays membres de l’UE qui devrait également guider les actions de la diplomatie luxembourgeoise, d’autant plus que le Portugal se trouvait à cette époque dans une grave crise économique et financière et que l’île de Madère est particulièrement vulnérable en raison de sa situation géographique ultrapériphérique ?
David Wagner
Député