Des négociations à huis clos
Les négociations pour CETA ont été menés à huis clos par les technocrates de la Commission européenne et du gouvernement canadien. Si les représentants des gouvernements à Bruxelles ont été informés des pourparlers, les députés des parlements nationaux ont à aucun moment eu accès à des documents de négociation. Par contre, les groupes de lobbying des multinationales ont été consultés tout au long du processus. S’il n’y a pas de chiffres correspondants pour CETA, la Commission européenne a été forcée de publier des chiffres dans le contexte des négociations pour un traité de libre-échange similaire : Entre janvier 2014 et janvier 2017, la Commission a eu 213 réunions à huis clos avec des lobbies pour négocier le JEFTA avec le Japon, dont 190 avec des lobbies des multinationales.
Graver le néolibéralisme dans le marbre
En tant que traité international, CETA se superpose aux règles nationales et européennes. Ainsi à l’avenir, le législateur national ou européen ne pourra plus prendre de décision en contradiction avec CETA. Pour cela, il faudrait soit rechercher le consentement de toutes les parties impliquées pour changer l’accord, soit le résilier dans son ensemble. Les choix politiques et économiques inscrits dans ce traité sont hautement idéologiques, puisqu’ils érigent l’ultra-libéralisme et la course effrénée aux profits comme doctrine suprême. Un gouvernement démocratiquement élu qui voudrait revenir sur ces choix serait confronté à des difficultés majeures, ce qui est d’ailleurs un des buts recherchés.
Des entreprises qui portent plainte contre des décisions démocratiques
Les fameux tribunaux d’arbitrage, également contenus dans CETA, permettent aux multinationales de porter plainte contre des décisions démocratiques qui pourraient nuire à leurs profits. Par exemple, des États ont déjà été attaqués par des fabricants de cigarettes pour avoir mis en œuvre des législations anti-tabac, sous prétexte que cela diminue les profits des entreprises. Ce mécanisme peut non seulement engendrer des pénalités exorbitantes à payer par les États aux multinationales, il modifie aussi le processus de prise de décision : les décideurs politiques n’osent plus prendre des décisions qui risquent d’agacer une multinationale, par crainte d’être poursuivi devant un tribunal d’arbitrage.
Des comités sans contrôle démocratique
CETA met en place 10 comités et sous-comités où des représentants de la Commission européenne et des autorités canadiennes s’échangent sur les relations économiques. CETA attribue à ces comités des compétences exécutives, sans qu’ils soient soumis au contrôle démocratique. Ils peuvent interpréter et modifier des dispositions de l’accord, créant par ainsi des règles légalement contraignantes, sans que le Parlement européen ou les parlements nationaux puissent intervenir (article 26).
La coopération règlementaire
Les dispositions relatifs à la coopération réglementaire (article 21) permettront aux administrations canadiennes et européennes en charge du commerce d’influencer les normes sanitaires, industrielles et environnementales bien en amont du processus législatif. Cette coopération réglementaire est particulièrement vulnérable au lobbying des multinationales, lesquelles peuvent par ce biais agir sur les réglementations avant que des élus ne soient saisies des questions afférentes. D’ailleurs, l’article 21.8 donne expressément le droit aux membres du Forum de coopération en matière réglementation de consulter les milieux d’affaires “par tout moyen [qu’ils] jugent approprié”.