Il manquait donc deux sièges à Syriza pour obtenir la majorité absolue à la Vouli, le parlement grec. Il lui fallut donc trouver un partenaire de coalition. Le choix fut rapide : il se porta sur l’Anel, qui a obtenu un seul portefeuille, celui de la Défense. Il n’est pas étonnant que ce choix en choqua plus d’un. L’Anel est en effet réactionnaire, mis à part son approche de la question de la dette, contrairement à To Potami et aux restes du Pasok et c’est sur ce point que Syriza et l’Anel se sont mis d’accord. Une collaboration avec des partis économiquement libéraux aurait donc hypothéqué dès le début la réalisation de la promesse électorale fondamentale de Syriza. Quant au KKE (parti communiste grec), il fait encore preuve d’un tel sectarisme ultrastalinien qu’il refuse tout contact avec Syriza.
Faut-il rappeler l’enjeu des élections, à savoir la question de la dette ? Il faut être clair : sans règlement de la dette, sans sortie de la logique de la Troïka, rien n’est possible. C’est la priorité absolue, dans un contexte de crise humanitaire catastrophique. Il s’agit prioritairement de sortir la Grèce de l’extrême droite économique, celle de la violence sociale exercée par les dominants sur les dominés.
Cette alliance signifie-t-elle que la Grèce ouvrirait grandes les portes à un tournant réactionnaire ? Pas du tout. Au contraire, même.
A l’heure où nous écrivons, Tasia Christodoulopoulou, une des figures de la défense des droits humains, a été nommée au poste de secrétaire d’Etat pour les immigrés. Le problème du traitement inhumain des réfugiés a toujours été un axe central des préoccupations de Syriza. Et il le reste, en témoigne cette nomination qui augure une politique humaine qu’aucun gouvernement grec (y compris socialiste) n’a jusqu’à présent osé mener. Sa première mesure déclarée sera d’ailleurs d’accorder la nationalité grecque aux enfants d’immigrés.
Concernant la « menace fasciste » : les politiques violentes que les gouvernements conservateurs et socialistes ont mises en œuvre, imposées par les instances de l’UE, ont achevé de détruire les liens sociaux faisant s’engouffrer le tiers de la population dans la pauvreté avec la perspective d’une aggravation. Un terreau idéal pour les fascistes, notamment ceux d’Aube dorée, qui est passé de groupuscule néonazi à une des principales forces politiques du pays. Une formation qui s’est notamment distinguée par l’agression physique de nos camarades de Syriza, parfois jusqu’à la mort. Le centre-droit et le centre-gauche ont permis à Aube Dorée de progresser. Syriza a mis fin à cette progression. Devant ces faits, les sociaux-libéraux et aux autres sociaux-démocrates devraient faire preuve d’un peu plus d’humilité.
Les socialistes paniquent et on peut les comprendre : une réussite de Syriza, à savoir l’amélioration des conditions de vie de la Grèce ainsi que le redressement de son économie, constitueraient un désaveu cinglant des politiques qu’ils ont menées jusqu’à présent. On comprend donc qu’ils se réfugient dans un antifascisme verbal bien tardif. Ils sont aux commandes à Paris, Rome et Berlin. Sont-ils sérieux quand ils affirment lutter contre l’austérité ? Syriza leur donnera l’occasion de passer des paroles aux actes dans les semaines à venir. Cela concerne aussi le LSAP, notamment lors de la présidence européenne. Les antifascistes sérieux combattent le fascisme en luttant contre le libéralisme économique et les injustices sociales et non pas en agitant des menaces factices, vu les rapports de force au sein du gouvernement . Syriza a besoin de notre solidarité. Le renouveau social et démocratique qu’ils mettent en place constitue le meilleur rempart contre l’extrême droite. Tsipras n’est pas Héraclès. Il ne nettoiera pas les écuries d’Augias en une seule journée. Mais ils peuvent donner un coup de main, au lieu de pointer du doigt les immondices qu’ils lui ont léguées.
David Wagner est porte-parole de déi Lénk