Monsieur le Président,
Des informations publiées par le journal en ligne reporter.lu mettent en doute le respect par une chaîne de supermarchés au Luxembourg des conditions sanitaires destinées à limiter la propagation du Coronavirus et à protéger la santé des salarié.e.s. En effet, selon des témoignages relayés par l’article en question, des mesures de protection de base ne seraient pas respectées : ainsi, des salarié.e.s qui ont eu un contact à risque avec une personne dont l’infection est confirmée seraient incité.e.s par la hiérarchie à poursuivre le travail et de ne pas respecter la mise en auto-quarantaine prescrite par la législation en vigueur. De plus, dans ce même article il est question de mesures sanitaires prises par la direction de l’entreprise qui n’auraient pas été l’objet d’une consultation préalable de la délégation du personnel et notamment du/de la délégué.e à la santé et à la sécurité. Ces informations soulèvent des questions fondamentales en ces temps de pandémie à propos du contrôle du respect des règles sanitaires sur les lieux de travail, notamment dans les magasins d’alimentation et de la répartition des responsabilités au sein des entreprises en cas de non-respect de ces règles.
En effet, le Code du Travail impose aux chef.fe.s d’entreprise de garantir la sécurité et la santé de leurs employé.e.s (Art. L 321). Dans les entreprises disposant d’une délégation du personnel, le.la chef.fe d’entreprise est en plus tenu.e de consulter et de renseigner le.la délégué.e à la sécurité et à la santé du personnel sur tous les aspects liés à la sécurité et à la santé des employé.e.s (art. L 414-14). L’Inspection du travail et des mines est chargée de contrôler le respect des règlementations e.a. en matière de sécurité et de santé et, le cas échéant, de mettre fin aux situations en contradiction avec les règlementations en vigueur et de constater des infractions (Art. L 611-2).
La loi du 17 juillet 2020 portant introduction d’une série de mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 a introduit des mesures sanitaires spécifiques.
Les dispositions (dont notamment l’obligation du port de masque) s’appliquant aux activités commerciales qui accueillent un public et qui se déroulent en lieu fermé, sont régies par l’article 3 de la loi en question. Toutefois l’article 12 de la loi ne prévoit que des sanctions à l’égard de personnes physiques en cas d’infractions aux dispositions prévues à l’article 3. Les relations professionnelles souvent caractérisées par un lien de subordination entre l’employeur et l’employé.e ne font donc pas l’objet de dispositions spécifiques.
Ainsi, les chefs d’entreprises qui sont – suivant le Code du Travail – responsables du respect des règlementations en matière de sécurité et de santé ne semblent pas l’être dans les situations sanitaires règlementées par la loi dite Covid-19 précitée. Le respect des obligations en matière sanitaire dans le contexte de la pandémie de la Covid-19 serait donc plutôt la responsabilité des personnes physiques et que des personnes morales. Ainsi, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle en tant que salarié.e subordonné.e à un.e employeur.e , seraient susceptibles d’être sanctionnées pour non-respect des règlementations sanitaires appliquées à leur domaine de travail et à l’exercice de leur profession.
Selon les informations disponibles sur le site d’information covid19.lu, le non-respect des instructions en vigueur concernant l’isolement est passible d’une amende pour toute personne concernée par une mesure d’isolement. De ce fait, la responsabilité légale incombe à la personne malade testée positive au Covid-19. De même que toute personne potentiellement infectée en attente de confirmation de son état de santé doit se mettre en auto-quarantaine sans pour autant être soumise à une sanction en cas de non-respect de cette prescription. Or, si la personne testée positive ou potentiellement infectée est soumise à l’injonction de son employeur de maintenir sa présence physique au travail, la question du transfert des responsabilités du salarié vers l’employeur se pose d’autant plus que le salarié se trouvant provisoirement en auto-quarantaine, peut ne pas avoir à sa disposition une preuve certifiée par l’inspection sanitaire de son état de santé à risque.
Partant je voudrais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi, à Madame la Ministre de la Santé et à Monsieur le Ministre de la Sécurité intérieure :
- Combien de verbalisations ont été dressées par les agents et officiers de police administrative de la Police grand-ducale et par les agents de l’Administration des douanes et accises depuis l’entrée en vigueur de la loi dite Covid-19 du 17 juillet 2020 à l’encontre de personnes physiques sur base de l’article 3 de la loi précitée ?
- Parmi ces verbalisations, combien ont-elles concernées des violations commises par des personnes physiques pendant leur temps de travail et dans le cadre d’accomplissement de tâches prévues par leurs contrats de travail ?
- Si de telles verbalisations ont été enregistrées, ont-elles été dressées à l’encontre d’employé.e.s ou à l’encontre des employeur.e.s respectivement des gérants ou autres personnes responsables des activités en question ?
- L’inspection du Travail et des Mines réalise-t-elle des contrôles spécifiques au sujet des mesures sanitaires en vigueur au sein des entreprises tombant sous l’application de article 3 de la loi précitée, notamment en ce qui concerne la protection de la santé des salarié.e.s ?
- Dans l’affirmative, combien et quels types de violations ont pu être constatées par les agents de l’ITM ?
- Existe-t-il une coopération entre la police administrative de la Police grand-ducale – respectivement entre l’Administration des douanes et accises et l’ITM dans le contexte des contrôles du respect des mesures sanitaires sur le lieu du travail, sachant qu’une violation d’une règlementation prescrite par la loi précitée constatée par un agent ou officier de police peut être en relation avec le non-respect de dispositions sanitaires prescrites par le Code du Travail constaté par un agent de l’ITM et vice-versa ?
- Est-il prévu de procéder à des contrôles plus systématiques dans les entreprises et grandes surfaces commerciales par les organes de contrôle habilitées à faire respecter les mesures sanitaires inscrites dans la loi Covid en question ?
- Messieurs et Madame les Ministres sont-ils d’avis que le principe de la responsabilité légale de l’employeur à l’égard du respect des règlementations en matière de sécurité et de santé des employé.e.s selon le Code du Travail, devrait être précisé dans la loi Covid actuellement en vigueur ?
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,
Marc Baum
Député