Monsieur le Président,
Conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, je voudrais poser la question parlementaire suivante à Monsieur le Premier ministre.
Le lundi 5 mai 2025, un échange de vues a eu lieu entre la Commission spéciale « Caritas » et des représentants de la Banque et Caisse d’Épargne de l’État (BCEE). À cette occasion, j’avais demandé si la BCEE a identifié des erreurs commises de son côté dans l’affaire de détournement de fonds. Sur ce, Madame la directrice générale de la BCEE m’a assuré qu’aucune faute dans le chef de l’institution financière ne saurait être retenue. Le procès-verbal de la réunion du 5 mai 2025 dit : « Une représentante de la BCEE indique que les analyses internes ont mené à la conclusion que les règles et procédures de la banque ont été respectées dans le cadre du dossier Caritas. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la banque est soumise à une obligation de moyen de minimiser les risques et non pas à une obligation de résultat de les éradiquer complètement. Étant donné que les procédures internes ont été respectées et au vu de la nature des obligations de la banque, aucune faute dans le chef de la BCEE ne saurait être retenue. »
Or, il apparaît que la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) a prononcé le 2 mai 2025 une amende envers la BCEE d’un montant de près de 5 millions d’euros pour non-respect de certaines exigences légales et réglementaires en relation avec la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. Dans une communication datée au 20 juillet 2025, la CSSF explique qu’au sein de la BCEE « le dispositif de surveillance des transactions comportait encore des lacunes, tant au niveau de sa conception que de son implémentation et de la réalisation des contrôles. Les lacunes relevées ne résultaient pas uniquement de l’analyse de dossiers individuels, mais elles se sont avérées être d’ordre structurel et systémique. » Si l’analyse de la CSSF ne se limitait pas au traitement du seul client Caritas, elle révèle indubitablement des dysfonctionnements qui ont pu avoir une incidence dans le détournement de fonds qui a touché cette institution.
Ainsi, la déclaration faite par Madame la directrice générale de la BCEE envers la Commission spéciale « Caritas » citée plus haut – trois jours après que la CSSF ait prononcé l’amende – apparaît aujourd’hui fallacieuse. Non seulement Madame la directrice générale a manifestement omis d’informer les député.e.s des résultats de l’analyse de la CSSF, pourtant non sans intérêt pour l’objet de la Commission, mais elle a également maintenue qu’aucune faute dans le chef de la BCEE ne saurait être retenue « au vu de la nature des obligations de la banque », ce qui contredit ces mêmes résultats de la CSSF.
Rappelons que la BCEE a comme unique actionnaire l’État luxembourgeois, que les membres de son Conseil d’administration sont nommés par le gouvernement et que cette institution joue un rôle clé dans le paysage financier du Luxembourg.
Partant, je voudrais poser les questions suivantes :
1) Est-ce que Monsieur le Premier ministre est d’avis que Madame la directrice générale de la BCEE a donnée aux député.e.s membres de la Commission spéciale une représentation fallacieuse de la réalité en maintenant qu’aucune faute dans le chef de la BCEE ne saurait être retenue? Dans la négative, pouvez-vous m’exposer votre appréciation ?
2) Est-ce que Monsieur le Premier ministre est d’avis que Madame la directrice générale aurait dû informer les député.e.s membres de la Commission spéciale des résultats de l’analyse de la CSSF? Dans la négative, pouvez-vous m’exposer votre appréciation ?
3) Monsieur le Premier ministre n’est-il pas d’avis que les représentants d’une institution contrôlée par l’État devraient collaborer pleinement avec une commission parlementaire et répondre avec diligence aux réponses des député.e.s ?
4) Est-ce que le gouvernement maintient – à travers les membres du Conseil d’administration de la BCEE – sa pleine confiance en Madame la directrice générale de la BCEE après les résultats de l’analyse de la CSSF et les déclarations de Madame la directrice générale de la BCEE envers les député.e.s membres de la Commission spéciale ?
Le 19 mai 2025, la Commission spéciale “Caritas” a accueilli Monsieur le Premier ministre ensemble avec Monsieur le Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire et Madame la Ministre de la Justice. En guise d’introduction, Monsieur le Premier ministre a souligné la volonté du gouvernement de tenir la Chambre des Députés informée des développements dans le dossier « Caritas », dans la mesure où le Gouvernement dispose de ces informations.
Dans ce contexte, je voudrais encore poser les questions suivantes :
5) Est-ce que Monsieur le Premier ministre avait connaissance de l’analyse de la CSSF le 19 mai 2025, que ce soit en version intégrale ou du moins en ce qui concerne les points essentiels, respectivement, est-ce que Monsieur le Premier ministre avait connaissance le 19 mai du fait que la CSSF avait prononcé le 2 mai 2025 une amende d’ordre envers la BCEE ?
6) Dans la négative de la question précédente, comment se fait-il que l’exécutive de l’actionnaire unique de la BCEE n’en ait pas été informé, alors que le Conseil d’administration de la BCEE, nommé par le gouvernement, a été directement informé par la CSSF ?
7) Dans l’affirmative de la question 5, pourquoi Monsieur le Premier ministre n’en a pas informé les membres de la Commission spéciale lors de l’entrevue du 19 mai 2025 – le cas échéant en demandant le huis clos s’il n’était pas possible de rendre public cette information avant l’expiration du délai de recours ?
Avec mes salutations respectueuses,
Marc Baum