Monsieur le Président,
Conformément à l’article 80 du règlement de la Chambre des Députés, j’aimerais revenir à la question parlementaire n° 714 de Messieurs les Députés Roger Negri et Georges Engel du 18 novembre 2014 concernant une éventuelle délocalisation du contrôle aérien du contrôle d’approche vers l’étranger, i.e. vers la Belgique, notamment vers Belgocontrol, et des réponses de Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures et poser un certain nombre de questions supplémentaires y relatives.
Les espaces aériens sont généralement subdivisés en espace supérieur (niveau de vol 250 – 660) pour les survols longs courriers et intercontinentaux (contrôlés par Eurocontrol) et espace inférieur (surface – niveau de vol 240). L’espace de vol contrôlé (TMA – Terminal Manoeuvring Area, contrôle aérien d’approche) au-dessus du territoire du Grand-Duché est actuellement contrôlé par les services ATC (Air Traffic control – contrôle du trafic aérien) de l’ANA (Administration de la navigation aérienne du Grand-Duché du Luxembourg) jusqu’à une altitude de 16.500 pieds (5.500m) maximum. Au-dessus de cette altitude, l’espace est contrôlé par Belgocontrol entre 16.500 et 24.500 pieds (5.500m – 8.150m). Encore au-dessus de cette altitude, l’espace est contrôlé par Eurocontrol. Ainsi l’intégralité des vols de et à destination de l’aéroport de Luxembourg est contrôlée et gérée par le service ATC Approche de Luxembourg.
L’espace aérien TMA (approche) géré par le contrôle aérien luxembourgeois s’est régulièrement agrandi (en hauteur surtout) afin d’accommoder un trafic aérien de plus en plus performant et exigeant. Ainsi le niveau de vol 75 (2,5km) de l’espace aérien luxembourgeois, jusqu’en l’an 2000, est ensuite passé à 135 (4 km) puis à 165 (5 km) à partir de mars 2011 ; cet espace TMA offre aujourd’hui une flexibilité certaine pour gérer efficacement les flux de trafic en offrant des montées et descentes directes, non interrompues, des appareils vers ou en provenance de l’aéroport. Pendant cette même période le volume du trafic géré a augmenté de quelques 20%, sans augmentation significative des effectifs des contrôleurs radar à Luxembourg, ce qui prouve une bonne utilisation des ressources humaines disponibles jusqu’à présent.
Dans ce contexte, j‘aimerais savoir de Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures:
1) Monsieur le Ministre est-il d’accord pour constater que les orientations prévues dans le cadre des travaux FABEC (Functional Airspace Block Europe Central, une initiative de la Commission Européenne rassemblant les fournisseurs de services à la navigation aérienne de six pays – la Belgique, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse et Eurocontrol) et de la stratégie «Ciel unique européen» de la Commission européenne distinguent parfaitement entre les espaces de vols supérieurs, à gérer de façon harmonisée, et les espaces inférieurs, voire TMA (contrôle aérien d’approche), gérés par les autorités nationales dans le cadre de la souveraineté nationale ? Estime-t-il que ces accords, de même que la convention de Chicago, reconnaissent que chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien d’approche au-dessus de son territoire, ou bien, dans d’autres termes, Monsieur le Ministre est-il d’accord pour constater que les projet FABEC et «Ciel unique européen» n’affectent nullement la possibilité, voire la nécessité d’un contrôle direct de l’espace aérien d’approche, destiné à gérer les vols en arrivé ou au départ d’un ou plusieurs aéroports?
2) Monsieur le Ministre est-il d’accord avec l’analyse selon laquelle la gestion actuelle des flux de et vers l’aéroport du Luxembourg et la flexibilité liée à la gestion locale constituent un atout, qui est à l’entière satisfaction des utilisateurs – cf. à cet égard également la prise de position fort éloquente, adressée par le Président du Comité de Direction de Luxair-group, Adrien Ney, à Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures, Claude Wiseler, le 15 juillet 2010 (1)?
3) N’appartient-il pas à chaque Etat de régler lui-même l’usage de l’espace aérien d’approche au-dessus de son territoire, en tenant compte aussi bien des nécessités de la circulation aérienne que de celles concernant la sécurité nationale et de la protection des personnes?
4) Les aspects de la sécurité, de l’environnement, de la protection contre les nuisances sonores et d’un bon usage des carburants, ne devraient-ils pas faire partie d’une gestion optimisée sur place, permettant de renforcer l’efficacité horizontale des vols et de veiller aux routes les plus courtes possibles, de donner priorité aux arrivées et départs de telle façon que les circuits d’attente soient les plus brefs possible, permettant ainsi d’utiliser moins de kérosène et de réduire les émissions de gaz à effet de serre?
5) Monsieur le Ministre est-il d’accord pour constater qu’une telle gestion flexible et soucieuse des nuisances pour l’environnement et les hommes est certainement plus facile à travers un contrôle aérien d’approche sur place?
6) Monsieur le Ministre n’est-il pas d’avis que la politique de privatisation et d’outsourcing pratiquée par les autorités britanniques, lourde de conséquences néfastes, comme la gestion et l’exploitation des chemins de fer, de la fourniture de l’eau, etc., de même que l’attribution du contrôle aérien de l’aéroport de Gatwick à la compagnie allemande «Deutsche Flugsicherung» (cf. cf. votre réponse no 3 à la question parlementaire no 714) ne sont pas des exemples à suivre?
7) N’est-il pas nécessaire d’avoir des contrôleurs aériens sur place qui autorisent par mauvais temps les vols des hélicoptères de la LAR et de la police grand-ducale, qui ont une parfaite connaissance géographique du pays, tout comme il serait indispensable qu’en cas d’incident ou d’accident il y ait une coordination étroite, sur place, avec les centres de secours?
8) Monsieur le Ministre est-il d’accord pour souligner que la bonne gestion des arrivées et des départ de et vers l’aéroport constitue également un facteur économique important pour l’économie du pays («Standortvorteil»), par rapport auquel les différents Etats sont en concurrence directe, et qu’une gestion de l’espace de contrôle des arrivés et départ par un organisme étranger puisse éventuellement donner la priorité à l’optimisation d’autres aéroports?
9) Ne faut-il pas émettre de sérieux doutes quant à la stabilité financière et aux objectifs financiers de la société Belgocontrol, qui vient de subir une perte cumulée de 4,3 millions d’euros pendant les années 2012 et 2013, ceci sur base d’un déficit chronique depuis plus de 5 années de suite et qui s’est retrouvé successivement en situation de faillite virtuelle, sauvé plusieurs fois de justesse à travers des avances budgétaires par l’Etat belge (avec toutes les conséquences économiques, financière opérationnelles, sécuritaires et autres, que cela comporte)?
10) Ne faut-il pas considérer que la stabilité sociale au Luxembourg est toute autre qu’en Belgique, qu’à travers un prestataire belge le risque de perturbations du contrôle aérien est beaucoup plus élevé que par une gestion au Luxembourg même (cf. mouvements de grève en Belgique ayant engendré des perturbations et annulations de vols en 2013 pendant 7 mois sur 12 ; grèves des contrôleurs aériens belges chaque année depuis 2009, la dernière grève ayant bloqué pendant une journée tous les aéroports belges remonte à moins d’une année, à savoir le 15 décembre 2014)?
11) Où en sont les travaux concernant l’évaluation des options stratégiques par rapport à la gestion du contrôle aérien de l’aéroport de Luxembourg ?
12) Monsieur le Ministre est-il prêt à présenter à la commission de la Chambre des Députés compétente pour le développement durable et les infrastructures un bilan intermédiaire de l’évaluation de ces options stratégiques?
13) Est-il vrai que Belgocontrol a soumis en juin 2015 une étude de faisabilité opérationnelle, ignorant la faisabilité technique, les préconditions («assumptions») et surtout sans préciser les risques?
14) Est-il vrai que dans les groupes de travail impliquant les personnes clefs du service du contrôle aérien, qui ont été mis en place (cf. votre réponse no 3 à la question parlementaire no 714), ni des membres du personnel du contrôle d’approche, ni la «Luxembourg approach controllers association» (LACA) ne sont impliqués?
15) Quelle est la position des différents utilisateurs, notamment Luxair et Cargolux, par rapport à une éventuelle délocalisation/transfert du contrôle aérien d’approche du Luxembourg vers Bruxelles ou ailleurs? Le groupe Luxair, a-t-il revu sa position depuis sa lettre 15 juillet 2010 à Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures? (1)
16) Existe-il un relevé des avantages et désavantages d’une éventuelle délocalisation du contrôle aérien d’approche du Luxembourg?
17) Monsieur le Ministre pourrait-il remettre ce relevé à la Chambre des Députés, intéressée directement aux options stratégiques en la matière?
18) Est-il vrai que Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures, prévoit, ensemble avec la direction de l’ANA, de rencontrer en octobre de cette année la ministre de la mobilité belge, Madame Galant, et du CEO de Belgocontrol, afin de finaliser un accord ou projet d’accord pour la délocalisation de l’espace aérien TMA luxembourgeois vers Belgocontrol?
19) Monsieur le Ministre partage-il toujours l’avis de l’ancien député François Bausch s’étant exprimé régulièrement contre la sous-traitance et la délocalisation du contrôle aérien d’approche du Findel?
20) Est-ce qu’une fusion des services de la «Tour de Contrôle» et le «Contrôle d’Approche au radar» à été envisagée, avec tous les avantages qu’une telle fusion offre au niveau de synergies et de contrôle de l’espace aérien concerné sur place?
21) Quels seraient les avantages et les désavantages d’une telle fusion de services?
22) Monsieur le Ministre serait-il d’accord pour réunir autour d’une table ronde les représentants de l’administration, du gouvernement, de toutes les organisations syndicales représentées à l’aéroport et éventuellement des opérateurs luxembourgeois pour discuter des options stratégiques en la matière, ceci à l’instar de la table ronde à laquelle avait invité Monsieur le Ministre des Transport Lucien Lux pour exposer les options stratégiques concernant soit la création d’un établissement publique, soit le maintien d’une administration (en fin de compte à gestion séparée) pour la gestion de l’aéroport de Luxembourg?
Avec mes salutations respectueuses,
David Wagner
Député
(1) Le courrier en question est très explicite quant à la gestion du contrôle aérien d’approche de l’aéroport du Luxemburg et quant à un éventuel transfert du contrôle aérien d’approche vers la Belgique:
«LuxairGroup soutient le projet « Single European Sky », convaincu des avantages environnementaux, opérationnels et financiers que pourra amener l’harmonisation de l’espace aérien de l’Europe centrale. Cependant, les travaux du groupe de travail FABEC, dont l’objet est justement l’harmonisation de l’espace aérien de l’Europe centrale, nous amènent à vous rendre attentif à un projet qui pourrait avoir un impact considérable pour les compagnies d’aviation luxembourgeoises.
Le projet d’évolution de l’espace aérien Luxembourg retient en effet l’hypothèse d’un transfert du contrôle aérien d’approche de Luxembourg vers Bruxelles (Belgocontrol).
Aujourd’hui, les compagnies aériennes opérant à Luxembourg bénéficient de l’efficacité et de la flexibilité du contrôle de la tour (CTR) et du contrôle d’approche (TMA). Les excellentes relations entretenues avec le CTR et le TMA, ainsi que le contact direct rendu possible par leur présence à Luxembourg, permettent de coordonner les procédures pour optimiser les trajectoires d’arrivée et de départ, avec à la clef, une réduction notable des nuisances sonores et de la consommation de carburant.
Le transfert du contrôle aérien de la TMA vers Belgocontrol comporte le risque que la gestion du contrôle aérien de Luxembourg soit soumise aux impératifs dictés par l’optimisation des flux vers les grands aéroports comme Bruxelles, Paris ou encore Francfort. Cette perte de flexibilité aurait, outre l’impact environnemental, aussi un impact financier non négligeable. Une simulation de la taxation des vols Luxair sur base des tarifs pratiqués par d’autres TMAs conclut que le surcoût annuel serait de l’ordre de quelque 1,5 millions d’euros.
C’est pourquoi que nous préconisons de suivre la proposition de la Deutsche Flugsicherung qui prévoit une extension de la TMA de Luxembourg vers les pays avoisinants, notamment vers les secteurs Pfalz et Eifel. De cette façon, les procédures « Continuous Descent Approach », permettant de réduire les nuisances sonores et la consommation de carburant, pourraient toujours être appliquées sans restriction.»
-> Réponse