La loi modifiée du 7 août 2023 relative au logement abodable a introduit la notion des « logements dédiés dits de réserve » dont l’objectif serait l’accueil momentané de locataires exposés à une situation de détresse extrême ne tolérant aucun délai à l’attribution d’un logement. Dans sa réponse à une question parlementaire du 5 juin 2023 l’ancienne Ministre des Affaires intérieures avait avancé cette catégorie de logements comme un possible remède au manque de logements d’urgence au Luxembourg.
De nombreuses communes luxembourgeoises se retrouvent en effet dans l’impossibilité de reloger des ménages ayant subi un sinistre et doivent le cas échéant recourir à des relogements dans des hôtels souvent situés dans d’autres communes. Cette pénurie d’alternatives de relogement convenables dans des situations d’urgence peut s’avérer extrêmement difficile pour les ménages concernés.
Des ménages-locataires qui doivent déguerpir de leur logement, quelle qu’en soit la raison, sont également concernés par ce manque de logements d’urgence ou « de réserve ». Dans la réponse à notre question parlementaire n°1056, Madame la ministre de la Justice nous a communiqué l’autorisation de 635 déguerpissements par les juges de paix depuis le 1er avril 2023. En l’absence d’alternatives de relogement proposées par les communes ou d’autres promoteurs publics ou sociaux, ces personnes se retrouvent souvent dans l’impossibilité de se reloger convenablement.
Les normes internationales en matière des droits sociaux prévoient pourtant certaines obligations des autorités publiques relative au relogement. Ainsi, en vertu de l’article 31 de la Charte sociale européenne, les Etats devraient agir pour empêcher que des personnes vulnérables soient privées d’abri et mettre en œuvre une politique du logement en faveur de toutes les catégories défavorisées de la population qui leur permet d’accéder aux logements sociaux. De plus, une résolution du Parlement Européen du 21 janvier 2021 sur l’accès à un logement décent et abordable pour tous, affirme qu’un certain nombre de critères devraient être respectés pour qu’une expulsion d’un logement soit conforme au droit international relatif aux droits de l’homme. Parmi ces critères figurent entre autres « (…) le relogement dans un logement adéquat avec l’accord des ménages concernés, afin que personne ne se retrouve sans abri (…) ».
Cette même approche se retrouve également dans l’article 40 de la Constitution du Luxembourg qui place le logement digne et approprié parmi les objectifs à valeur constitutionnelle en stipulant que « L’État veille à ce que toute personne puisse vivre dignement et disposer d’un logement approprié. » Les communes dans leur qualité d’acteur public sont également tenues à cet objectif constitutionnel.
Au vu de ce qui précède nous voudrions poser les questions suivantes à Messieurs les Ministres :
- Combien de logements destinés à la location abordable existants sont actuellement catégorisés comme « logements dédiés dits de réserve » ? Quel est le taux d’occupation de ces logements ? Combien de logements inscrits sur l’inventaire du Fonds Spécial pour le logement abordable seront affectés à la catégorie des « logements dédiés dits de réserve » ? Comment se présente la répartition de ces logements parmi les communes ?
- Messieurs les Ministres disposent-ils d’informations quant au sort des personnes contraintes à déguerpir de leur logement ? Si oui, desquelles ?
- Le Fonds du Logement est-il en mesure de loger – bien que temporairement – des personnes ayant subi un sinistre ou expulsées de leur logement ? Dans l’affirmative quels critères applique-t-il dans l’attribution des logements à sa disposition ?
- Messieurs les Ministres sont-ils d’avis que le Luxembourg respecte actuellement les normes internationales en matière de relogement de personnes sinistrées ou expulsées dans un logement adéquat ? Par quels moyens concrets les autorités publiques agissent-elles pour empêcher que des personnes vulnérables soient privées d’abri ?
- Les autorités publiques suivent-elles actuellement la recommandation émise par le Parlement Européen qui définit les critères à remplir par les autorités publiques en matière de relogement ? Dans l’affirmative, par quels moyens ?
- Quels efforts le gouvernement fait-il pour réaliser à court terme l’objectif à valeur constitutionnelle précitée nonobstant les mesures et programmes mis en oeuvre en matière de logement pour le plus long terme ?
Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de nos sentiments respectueux.
David Wagner Marc Baum
Député Député