(« Zu Gast » au Lëtzebuerger Land, 23 mai 2014)
Thérèse Gorza – Depuis que des informations concernant les négociations ultra-secrètes entre les USA et l’UE sur un accord de libre-échange commencent à filtrer, une opposition de plus en plus forte se forme en Europe et aussi aux Etats-Unis. Elle a fait une telle pression que maintenant, tous les partis déclarent voter contre le traité si les normes européennes sanitaires, écologiques sociales et autres seraient mises en danger, du moins le prétendent-ils – avant les élections européennes. En outre, la Commission européenne a stoppé les négociations sur le tribunal d’arbitrage des différends concernant la protection des investissements et organise une « consultation » citoyenne. Participer à cette consultation a cependant quelque chose d’un parcours du combattant.
Mais même si l’opposition citoyenne obtenait gain de cause sur ces points, il faut continuer à se méfier. Le traité susvisé est beaucoup plus qu’un simple traité de libre-échange. Les représentants des grandes entreprises internationales veulent un droit de regard lors de chaque nouvelle règlementation – dès le début – pour garantir que leur business ne soit entravé et – pourquoi pas – œuvrer comme co-législateurs ou écrire eux-mêmes les lois concernant les normes sanitaires, la protection de l’environnement, les droits des salariés ou des consommateurs. Les normes existantes seront également révisées, ce qui veut dire que le combat pour garantir les standards européens n’est pas gagné, même si dans le TTIP elles ne seront pas explicitement mises en cause. Cela s’appelle « living agreement », accord de négociations en permanence, une idée supportée par les mêmes personnes présentes jeudi dernier à l’European Business Summit au Palais d’Egmont. La liste des représentants de l’industrie, en présence des commissaires européens responsables des relations commerciales, des représentants des principaux groupes du Parlement européen (sauf ceux de la Gauche Unie Européenne) publiée sur le site de l’EBS fait entrevoir qui pose les jalons de la politique européenne. Les opposants à cette réunion ont par contre eu droit à un jour de prison.
Si le « living agreement » qui est déjà intégré dans certains traités commerciaux est accepté, on sera en présence d’une influence jamais connue du grand business sur la politique, visant à rendre impuissants les gouvernements et/ou l’Union Européenne, les empêchant d’agir politiquement dans l’intérêt de leurs citoyens. L’accord signé et accepté par le Parlement européen, celui-ci n’aura plus son mot à dire dans les négociations entre pairs.
C’est pour cela qu’il faut stopper toute négociation pour un accord de libre-échange et qu’il faut refuser d’institutionnaliser des structures annulant les droits démocratiques des citoyens et citoyennes.
Il faut rompre d’urgence avec la politique néolibérale en Europe qui donne la priorité à la concurrence et aux intérêts des multinationales, qui fait des ravages dans les pays du Sud, qui détruit les systèmes de sécurité sociale mis en place au 20ème siècle, qui creuse le fossé entre riches et pauvres et qui, si elle est poursuivie, nous mènera droit à un nouveau Moyen-âge.
Sauf si – les citoyens et citoyennes prennent leur destin en mains propres. Le mouvement contre le TTIP en est une expression. C’est par cette nouvelle résistance que peut renaître une Europe des citoyens et citoyennes qui sera construite dans le souci du bien-être général où il faut bon vivre, sans guerre et ouverte vers le monde.
L’auteur est membre du Bureau de Coordination de déi Lénk et candidate aux élections européennes