Uberiséierung zu Lëtzebuerg? Fonctionnement vun neier Taxiapp werft eng Rei Froen op.

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 83 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre du Travail.

En date du 17 janvier une plateforme en ligne de réservations et de mise en relation entre chauffeurs professionnels de Taxi et utilisateurs a été lancée. Sur le site internet de la société qui est à l’origine de la plateforme, il est précisé que la plateforme fonctionnerait « (…) plus ou moins comme Uber » avec comme seule différence que la plateforme en question travaillerait « (…) uniquement avec des conducteurs professionnels de taxi locaux et des compagnies de taxis luxembourgeoises ».[1] En effet, pour pouvoir exercer le métier de conducteur de taxi au Luxembourg, il faut disposer d’une carte de conducteur de taxis délivrée par le Service des Taxis du Ministère du Développement durable et des Infrastructures (MDDI).

Malgré ce critère d’éligibilité limitant l’accès à cette plateforme aux chauffeurs disposant d’une carte de conducteur de taxi, le fonctionnement de la plateforme soulève certaines questions en relation avec le droit du travail. Ainsi, selon des informations parues dans la presse, les chauffeurs devront céder entre 5 et 10% du revenu généré par course réservée via la plateforme à la société qui en est le propriétaire. Ce sont donc bien les chauffeurs de taxi qui génèrent le revenu de la société en question sans que cette dernière ne verse des salaires ou des cotisations sociales pour le compte des chauffeurs.

Dans un arrêt portant sur le statut des coursiers en France, la Cour de cassation française a jugé le 28 novembre qu’il existerait bel et bien un lien juridique entre ces derniers et les plateformes de livraison. La Cour a jugé que les coursiers ne pouvaient pas, au regard du droit français, être considérés comme des travailleurs indépendants, mais qu’ils sont des salariés avec les droits correspondants. Même si la situation des coursiers en France n’est pas tout à fait pareille à celle des conducteurs de taxi au Luxembourg, on pourrait arguer qu’il existe bien un lien de subordination entre la plateforme de réservations de taxi et les conducteurs. Dans son arrêt, la Cour de cassation française s’est appuyée sur un élément pour acter l’existence d’un lien de subordination qui s’applique également à la première plateforme de réservations de taxi désormais active au Luxembourg. De fait, les coursiers français, concernés par l’arrêt, étaient dotés « d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci »[2], ce qui reviendrait à un contrôle de l’exécution de travail par les coursiers. La plateforme de réservations de taxi fonctionne de la même façon. Sur le site de la société, il est indiqué que l’application « (…) vous propose de chercher le taxi le plus proche de votre situation. L’application vous indique combien de temps vous devrez attendre une fois celui-ci commandé. »[3]

Partant et eu égard de l’accord de coalition qui met l’accent sur la lutte « (…) contre le recours à des statuts de « faux indépendants » qui ne bénéficient d’aucune protection et peuvent contribuer à des situations de concurrence déloyale »[4], je voudrais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre du Travail :

1 ) Monsieur le Ministre, n’est-il pas d’avis que le fonctionnement de la plateforme pourrait créer un lien de subordination entre cette dernière et les conducteurs de taxi ?

2 ) Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de l’arrêt de la Cour de cassation française du 28 novembre ? Dans l’affirmative, est-il d’avis que le raisonnement de la Cour peut également être appliqué au regard du droit luxembourgeois ?

3 ) Monsieur le Ministre n’est-il pas d’avis que l’essor de ce type de plateformes en ligne pourrait favoriser le travail indépendant fictif ?

4 ) Dans l’affirmative, Monsieur le Ministre envisage-t-il des mesures visant à lutter contre les abus éventuels et à protéger les travailleurs et travailleuses ?

Avec mes salutations respectueuses,

Marc Baum                                        

Député

[1] https://bit.ly/2TmOIGD

[2] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1737_28_40778.html

[3] https://bit.ly/2TmOIGD

[4] https://gouvernement.lu/dam-assets/documents/actualites/2018/12-decembre/Accord-de-coalition-2018-2023.pdf p. 154

Pour plus d’informations autour de l’auto-entrepreneuriat et l’uberisation des services, jetez un oeil à cette conférence avec Sarah Abdelnour, sociologue, organisée par déi Lénk en mai 2018:

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