Question parlementaire concernant la population carcérale.

La réponse à la question parlementaire n°461 a révélé que sur les 611 détenus au Luxembourg, 465 ne sont pas luxembourgeois. 76% des prisonniers sont donc de nationalité étrangère, et ce alors que seulement 47% des résidents luxembourgeois sont étrangers.

Aucune étude scientifique qui prouverait que des immigrant.e.s commettraient des crimes plus souvent que des Luxembourgeois n’existe actuellement. Il parait donc opportun de citer les résultats de quelques études scientifiques menés dans d’autres pays occidentaux :

  • Aux Etats-Unis, malgré le lien fait couramment dans l’imagination populaire entre augmentation du nombre d’étrangers et augmentation du taux de criminalité, il a été établi que des immigrants y sont moins susceptibles de commettre des crimes que la population née sur le sol américain, et qu’une augmentation d’immigrants dans un quartier n’y est pas corrélée systématiquement à une augmentation du taux de criminalité.
  • Des études sur le cas français montrent que si un Français et un étranger ont un nombre semblable de condamnations déjà inscrit sur leur casier judiciaire, les juges jugent leur cas de façon très semblable ; or, parmi les prévenus sans antécédents judiciaires, 2 Français sur 5 (41.8%) seulement sont condamnés à une peine de prison ferme tandis que près de 4 étrangers sur 5 (77,6%) le sont[1]
  • Une étude allemande plus ancienne montre également que par exemple les adolescents turcs et (ex-)yougoslaves résidant en Allemagne étaient traités de façon plus sévère par les juges allemands[2] que les adolescents allemands dans les années 90, et ce nonobstant l’image du juge impartial et objectif.
  • Il est également à noter dans ce contexte que, même si dans tous les codes de déontologie pour magistrats l’impartialité et la neutralité sont citées comme des vertus essentielles, des études dans les sciences sociales ont établi que de nombreux facteurs irrationnels peuvent influencer les décisions que prennent les juges : par exemple, des décisions favorables aux détenus sont plus susceptibles de se produire en début de journée et après la pause-déjeuner[3].

Partant de ces informations provenant d’autres pays, je voudrais donc poser les questions suivantes à Madame la Ministre :

  1. Combien de personnes ont comparu devant la justice pendant la période 2014-2024 sans avoir eu d’antécédents judiciaires ?
    1. Parmi ces personnes, combien de personnes étaient d’origine étrangère et combien avaient la nationalité luxembourgeoise (avec une ventilation, si les données le permettent, pour les Luxembourgeois.e.s racisé.e.s ainsi que pour les personnes étrangères racisées)?
    1. Parmi ces personnes, combien de Luxembourgeois sans antécédents judiciaires ont été condamnés pendant cette période à une peine de prison ferme, et combien d’étrangers sans antécédents judiciaires (avec une ventilation, si les données le permettent, pour les Luxembourgeois.e.s racisé.e.s ainsi que pour les personnes étrangères racisées) ?
    1. Sur cette période, combien de personnes de nationalité luxembourgeoise ont bénéficié d’une peine de prison avec sursis ? Combien d’étrangers (avec une ventilation, si les données le permettent, pour les Luxembourgeois.e.s racisé.e.s ainsi que pour les personnes étrangères racisées) en ont bénéficié?
  2. Parmi les détenu.e.s luxembourgeois.e.s actuels, combien ont été condamnés à une peine de prison ferme sans avoir eu d’antécédents judiciaires (avec, si possible, une ventilation pour les Luxembourgeois racisés et non-racisés)? Combien d’étrangers parmi les détenus actuels y ont été condamnés sont avoir eu d’antécédents judiciaires (avec, si possible, une ventilation pour les étrangers racisés et non-racisés) ? Serait-il également possible d’obtenir une ventilation des crimes pour lesquels les Luxembourgeois.e.s respectivement les personnes non-luxembourgeoises actuellement détenues (avec, si possible, une ventilation selon que la personne est racisée ou non) ont été condamnés ?
  3. De façon générale, comment Madame la Ministre voit-elle l’enjeu de la sensibilisation des magistrats et magistrates luxembourgeois aux préjugés et stéréotypes de tout genre (sexisme, racisme, origine, classisme) ?
  4. Y a-t-il des séances, des ateliers ou des workshops qui sont organisés par le ministère sur les biais cognitifs, les préjugés ou les stéréotypes qui peuvent affecter les magistrats ? Dans l’affirmative, sont-ils obligatoires et quel est leur contenu ? Dans la négative, pourquoi pas ?

Avec mes salutations respectueuses,

Marc Baum

Député


[1] Discriminations en comparution immédiate, T. Léonard, Plein Droit 2011/2 (n°89), 24-27

[2] Gleiches (Straf-)Recht für alle ? Neue Ergebnisse zur Ungleichbehandlung ausländischer Jugendlicher im Strafrecht der Bundesrepublik, W. Ludwig-Mayerhofer, H. Niemann, Zeitschrift für Soziologie, Jg. 26, Heft 1, Februar 1997, 35-52

[3] « Qu’a mangé le juge à son petit-déjeuner ? » De l’impact des conditions de travail sur la décision de justice, S. Danziger, J. Levav, L. Avnaim-Pesso, Les Cahiers de la Justice, 2015/4 (n°4), 579-587

Question parlementaire sur le travail en prison

Monsieur le Président,

Les règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe prévoient, entre autres, que le travail en prison doit, dans la mesure du possible, améliorer la capacité du.de la détenu.e à se préparer à sa vie après sa sortie de prison.

Les États membres sont donc instamment encouragés à offrir du travail aux détenus.es, y compris une formation professionnelle, et à veiller à ce que l’organisation et les méthodes de travail dans les prisons soient aussi proches que possible de celles du travail similaire en dehors des prisons, afin de préparer les personnes concernées aux conditions de la vie professionnelle normale.

Il est souligné que le travail des détenus.es doit être rémunéré de manière équitable dans tous les cas.

De même, conformément aux règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe, les détenus.es qui travaillent doivent, dans la mesure du possible, être affiliés.es au régime national de sécurité sociale.

Dans ce contexte, je voudrais poser les questions suivantes à Madame la ministre de la Justice.

1) En vertu de quel règlement grand-ducal l’article 27, paragraphe 2, de la loi du 20 juillet 2018 portant réforme de l’administration pénitentiaire est-il exécuté ?

2) En vertu de quelle base légale et selon quelle méthode le salaire horaire d’un.e détenu.e qui travaille est-il actuellement calculé ?

3) Est-ce qu’il est actuellement prévu d’ajuster la rémunération du.de la détenu.e qui travaille, en particulier compte tenu de l’augmentation du coût de la vie ?

4) Quel est l’impact actuel de l’augmentation du coût de la vie sur les prix des produits vendus en prison ? Les produits sont-ils actuellement vendus avec une marge bénéficiaire par rapport au prix d’achat et, si oui, à combien s’élève-t-elle ?

5) De manière générale, quelles sont les mesures actuellement prévues pour éviter la pauvreté en prison et ne pas compromettre ainsi l’objectif de contribuer au processus d’insertion sociale des détenus.es en leur fournissant un travail ?

6) Est-ce qu’il y a actuellement des échanges avec d’autres ministères sur la question de savoir comment permettre aux détenus.es qui travaillent de cotiser à la caisse de pension ? Si oui, à quel stade en est cet échange ?

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Nathalie Oberweis

Députée

Erëffnung vum Suessemer Prisong – D‘Noutwendegkeet vun engem Ëmdenken am Strofrecht an dem Strofvollzuch.

Den 30. November 2022 ass déi offiziell Erëffnung vum neie Prisong zu Suessem, dee Plaz fir bis zu 400 Persounen huet. An dësem Kontext erënneren déi Lénk, datt d‘Zil ëmmer si muss, manner Prisonéier.innen amplaz méi Zellen ze hunn. Déi bescht Präventioun géint Kriminalitéit a Gewalt ass d‘Reduktioun vun de sozialen a ekonomeschen Ongläichheeten. Donieft muss d‘Strofrecht an de Strofvollzuch reforméiert gi – d‘Stéchwuert hei ass zum Beispill d‘Drogepolitik. Am Allgemenge muss méi op Alternativen zum Prisong zeréckgegraff ginn an de leschtgenannten nëmmen als allerlescht Konsequenz ugesi ginn. Aktuell feelt et och un adaptéierte Strukture fir déi Zäit no enger Prisongsstrof, wat de Risiko vu Recidive fuerdert.

D‘Strofrecht an den Strofvollzuch sinn d‘Äntwert vun der Gesellschaft op Verstéiss géint gemeinsam Reegelen, allerdéngs ginn Aspekter wéi déi sozial an ekonomesch Ongläichheeten momentan net genuch an Betruecht geholl. An enger Gesellschaft wou d‘Schéier tëscht Aarm an Räich ëmmer méi grouss gëtt an wou Ongläichheeten reproduzéiert ginn, riskéieren verschidden Formen vun Gewalt zouzehuelen. Dobäi sinn ënnert anerem d‘Abannung an d‘gesellschaftlecht Liewen, Perspektiven op eng Aarbecht, eng Wunneng an eng stabel Situatioun, d‘Fundament fir Kriminalitéit a Gewalt proaktiv ze verhënneren.

D‘Noutwendegkeet vun engem Ëmdenken am Strofrecht an dem Strofvollzuch gëtt mam Beispill vun der aktueller Drogepolitik däitlech. D‘järlech Zuelen am « SPACE I » Rapport vum Conseil de l‘Europe weisen, datt 2021 eng 17.7% vun de Prisonéier.inne wéinst Infraktiounen am Zesummenhang mat Drogen am Prisong souzen. Déi meescht dovunner sinn allerdéngs kéng grouss Fësch am Beräich vun der Drogekriminalitéit. Doriwwer eraus ass fir Mënsche mat Suchtproblemer, déi ofrutschen an d‘Beschaffungskriminalitéit, de Prisong definitiv déi falsch Plaz. Generell gesinn hunn net nëmmen déi lescht Joer däitlech gewisen, wéi wéineg positiv sech eng restriktiv Drogepolitik op d‘Gesellschaft auswierkt.

An wat ass eigentlech mat Verhale wéi der Wirtschaftskriminalitéit, déi zwar op den éischte Bléck net ëmmer direkt erkennbar ass, awer der Gesellschaft immens vill schued ? Verfollegen a bestrofe mir als Gesellschaft dës Verhale genee sou konsequent ? Nee, eben net. Mir hunn et mat enger zwou Klasse Justiz ze dinn.

Dofir ass fir déi Lénk evident, datt een déi beschriwwe Verstéiss net duerch ëmmer méi streng Gesetzer, méi Police a méi Gefängnisser verhënnert. D‘zentral Fro ass déi vun enger gerechter a sozialer Politik, mat staarke soziale Rechter fir jiddereen.

D‘Untersuchungshaft dierf nëmmen als lescht Konsequenz ugewannt ginn. Fir déi aner Fäll si manner aschneidend Moossname méi sënnvoll, zum Beispill de Bracelet électronique an d‘Hannerleeung vun Identitéitsdokumenter.

Generell muss d‘Strofrecht an de Strofvollzuch reforméiert ginn, mat dem Zil proportionell an effektiv op bestëmmte Verhalen ze reagéieren. Eng Strof muss den entscheedenden Zweck erfëllen, déi sou effizient wéi méiglech Reinsertioun vun der verurteelter Persoun an d‘Gesellschaft ze erméiglechen. Den héijen Taux vu Leit déi no der Prisongsstrof nees réckfälleg ginn oder esouguer méi graven Infraktioune beginn, ass alarméierend a weist, datt Ewechspären a ville Fäll keng Léisung ass. Fir vill Situatioune sinn Alternative wéi zum Beispill gemengnëtzeg Aarbecht méi effektiv.

D‘Untersuchungshaft dierf nëmmen als lescht Konsequenz ugewannt ginn. Fir déi aner Fäll si manner aschneidend Moossname méi sënnvoll, zum Beispill de Bracelet électronique an d‘Hannerleeung vun Identitéitsdokumenter.

Generell mussen d‘Strofrecht an de Strofvollzuch reforméiert ginn, mat dem Zil proportionell an effektiv op bestëmmte Verhalen ze reagéieren. Eng Strof muss den entscheedenden Zweck erfëllen, déi sou effizient wéi méiglech Reinsertioun vun der verurteelter Persoun an d‘Gesellschaft ze erméiglechen. Den héijen Taux vu Leit déi no der Prisongsstrof nees réckfälleg ginn oder esouguer méi graven Infraktioune beginn, ass alarméierend a weist, datt Ewechspären a ville Fäll keng Léisung ass. Fir vill Situatioune sinn Alternative wéi zum Beispill gemengnëtzeg Aarbecht méi effektiv.

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Inauguration de la prison de Sanem

La nécessité de repenser le droit pénal et le système carcéral

Communiqué

déi Lénk

Le 30 novembre 2022 a lieu l’inauguration officielle de la nouvelle prison de Sanem, qui peut accueillir jusqu’à 400 personnes. Dans ce contexte, déi Lénk rappelle que l’objectif devrait toujours être d’avoir moins de détenus.es plutôt que plus de cellules. La meilleure prévention contre la criminalité et la violence est la réduction des inégalités sociales et économiques. En outre, le droit pénal et le système carcéral doivent être réformés – le mot clé est ici, par exemple, la politique en matière de drogue. De manière générale, il convient d’utiliser davantage d’alternatives à la prison et de n’envisager la prison qu’en dernier recours. Actuellement, il n’existe pas non plus de structures adéquates à la période suivant la prison, ce qui favorise le risque de récidive.

Le droit pénal et le système carcéral sont la réponse de la société aux transgressions des règles communes, mais des aspects tels que les inégalités sociales et économiques ne sont actuellement pas suffisamment prises en compte. Dans une société où l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser et où les inégalités se reproduisent, les différentes formes de violence risquent d’augmenter. Cependant, l’intégration dans la vie sociale, la perspective d’un emploi, d’un logement et d’une situation stable constituent, entre autres, la base d’une prévention proactive de la criminalité et de la violence.

La nécessité de repenser le droit pénal et le système carcéral est bien illustrée par l’exemple de la politique actuelle en matière de drogue. Les statistiques annuelles du rapport « SPACE I » du Conseil de l’Europe montrent qu’en 2021, 17,7% de la population carcérale était emprisonnée pour des infractions liées à la drogue. Néanmoins, la plupart d’entre eux ne sont pas des protagonistes de la criminalité liée à la drogue. De plus, la prison n’est définitivement pas le lieu approprié pour les personnes ayant des problèmes de dépendance et qui commettent des infractions pour se procurer des drogues. Dans l’ensemble, les dernières années ne sont pas les seules à avoir clairement montré qu’une politique restrictive en matière de drogues n’a pas d’effet positif sur la société.

Un autre exemple est celui de la détention provisoire. Le même rapport indique qu’en 2021, 43,3 % de la population carcérale était détenue sans décision de justice définitive. Or, la détention provisoire ne devrait être utilisée que lorsqu’elle est absolument nécessaire – la présomption d’innocence s’applique jusqu’à la décision de justice définitive. Une personne placée en détention provisoire risque d’être stigmatisée et de perdre son emploi ainsi que son logement. Dans ce cas, le préjudice est immense si, à la fin de la procédure, il s’avère qu’elle est innocente.

De plus, qu’en est-il des comportements tels que la criminalité économique, qui ne sont pas toujours directement identifiables au premier coup d’œil, mais qui causent d’immenses dommages à la société ? En tant que société, poursuivons-nous et punissons-nous ce type de comportement de manière tout aussi cohérente ? Non, justement pas. Nous avons à faire à une justice à deux vitesses.

Pour déi Lénk, il est en revanche clair que les infractions décrites ne peuvent pas être empêchées par des lois toujours plus strictes, plus de policiers.policières et plus de prisons. La question centrale est celle d’une politique juste et sociale avec des droits sociaux forts pour chacun.

La détention provisoire ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Dans d’autres cas, des mesures moins coercitives sont plus appropriées, comme le bracelet électronique et le dépôt de documents d’identité.

De manière générale, le droit pénal et le système carcéral doivent être réformés pour apporter une réponse adéquate et efficace à certains comportements. Une peine doit avant tout viser à réintégrer le plus efficacement que possible la personne condamnée dans la société. Le pourcentage élevé de personnes qui récidivent après avoir effectué leur peine de prison, voire qui commettent des infractions encore plus graves, est alarmant et montre que l’emprisonnement n’est pas une solution dans la plupart des cas. Dans de nombreuses situations, des alternatives telles que le travail d’intérêt général sont plus efficaces.

En outre, il est nécessaire de mettre en place une politique de la drogue basée d’une part sur la prévention et l’éducation et d’autre part sur la dépénalisation de la consommation de drogues.

Des structures adaptées sont nécessaires pour la période suivant une peine de prison. Pour cela, des projets tels que des « maisons de transition » doivent être réalisés.

Les réponses à toutes ces interrogations doivent se refléter dans la législation et chez les acteurs compétents.

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