Le budget 2024 pour la Ville de Luxembourg que la coalition renouvelée DP-CSV a présenté lundi passé, est grosso modo à l’image de sa politique d’avant les élections communales.
Nous voici à nouveau face à des dépenses extraordinaires gonflées à l’extrême et à un déficit artificiel qui en résulte, qui se soldera dans les comptes par un excédent budgétaire rendant la Ville encore plus riche. À la fin de cette année, la Ville détient 1.170 millions d’euros de réserves et d’excédents reportés. déi Lénk pensent que cette façon de gérer les finances publiques ne correspond pas à ce dont les résidents de notre ville ont besoin. Il est aberrant de continuer à accumuler de l’argent public, alors que le manque de logements abordables est criant, que la pauvreté augmente, que le nombre d’enfants qui ne suivent plus dans les écoles est très important et que le changement climatique, qui constitue le plus grand enjeu à la survie de l’espèce humaine, avance à grands pas.
Le contraste entre la déclaration échevinale et le rapport de ce budget et à fortiori le budget présenté est à maints égards saisissant et il fait preuve du manque d’ambition politique de cette majorité.
Alors que l’adaptation au changement climatique et à la transition énergétique a été déclarée comme priorité absolue dans la déclaration échevinale, le budget 2024 manque totalement d’accents à cet égard. Il est pourtant évident qu’au niveau de l’ efficacité énergétique par exemple, seule une démarche ambitieuse et proactive de la Ville peut massivement faire baisser les émissions de CO2 liées au chauffage. La Ville doit notamment contacter les ménages et ne pas attendre que ceux qui ont les moyens prennent l’initiative. En même temps des aides massives s’imposent, dépassant les 2 millions inscrites au budget à cet effet !
Aucun changement de paradigme n’apparaît non plus au niveau de la politique de mobilité.
Les investissements dans les parkings, qui attirent les automobiles au centre-ville, se poursuivent et les rues et les quartiers font le plein de voitures. Alors que l’espace public devrait être accessible pour tous, inclusif et démocratiquement partagé, celui de la ville de Luxembourg est largement dominé par le transport motorisé individuel. Quant aux utilisateurs vulnérables de cet espace que sont les piétons, les enfants qui jouent et les cyclistes, ils se retrouvent relégués à la marge. Il faut d’ailleurs se demander, où en est le plan de mobilité de la Ville, en étude depuis 2021. Quand le conseil communal et les citoyen-ne-s seront-ils enfin informés des résultats des réflexions qui ont eu lieu au comité d’accompagnement ainsi que des projets du collège échevinal à ce sujet ?
La déclaration échevinale n’a-t-elle pas annoncé que « l’année 2024 sera l’Année des 24 quartiers de la Ville » Qu’en est-il alors du « plan de développement pour chaque quartier, élaboré en collaboration avec les habitants », qui est annoncé dans la même foulée et dont on ne trouve trace dans ce budget ?
Qu’est-ce qui est prévu concrètement ? Quel est le plan d’action derrière l’annonce de végétalisation et de réaménagement des places publiques et des cours d’écoles ? Est-ce que les riverains seront intégrées dans les plans de végétalisation et de réaménagement ? Voilà autant de questions pour autant de lacunes béantes dans ce budget et son rapport !
En matière de politique d’enseignement, ce budget accuse aussi de graves déficiences. Y manque notamment une aide aux devoirs digne de ce nom. Ce qui est appelé « aide aux devoirs à domicile » prévue par le MEN dans les foyers scolaires n’est en fait pas une aide, mais une surveillance. Aussi de nombreux enfants ne bénéficient-ils même pas de cette surveillance parce qu’il n’y a pas assez de places d’accueil dans les foyers scolaires de la Ville. Il faut assurer autant de places pour l’école que pour le foyer dans tous les quartiers et pas seulement dans les quartiers où de nouveaux projets de foyers scolaires sont prévus !
Quant aux crèches, le budget de 2024 ne prépare aucune nouvelle crèche publique, contrairement à ce qui était annoncé dans la déclaration échevinale : « D’autres crèches devraient voir le jour à la Gare, à Cessange et à Beggen ».
Pour l’alimentation dans les foyers scolaires et les crèches, la déclaration échevinale plaide en faveur de repas équilibrés et savoureux et de produits locaux et biologiques. Il faut
alors mettre fin à l’externalisation des services de restauration scolaire. Dans les foyers scolaires de la Ville, 3.500 repas sont servis quotidiennement et la Ville déboursera encore 8,8 millions d’euros en 2024 à des sociétés privées. À l’instar du service Restopolis du ministère de l’Education nationale pour les lycées, la Ville devrait recourir à son propre personnel pour préparer les repas sur place avec des produits locaux frais, de saison, de préférence bio et décider elle-même de ce qui est préparé et servi sous de bonnes conditions de travail et de rémunération. Pour lutter contre la pénurie de personnel éducatif dans les foyers scolaires et les crèches de la Ville, déi Lénk ont proposé la conclusion de contrats de 40 heures au lieu des 35 actuelles.
La politique sociale de la Ville inscrite dans le budget 2024 ne prévient pas la pauvreté mais elle la gère. Il s’agit en réalité d’une politique de charité. Pour déi Lénk, une politique sociale qui mérite ce nom doit permettre à tous les résidents d’avoir un toit au-dessus de la tête et de vivre avec un minimum de dignité. Pour déi Lénk, il est honteux que dans une ville riche comme la nôtre, il y ait des personnes qui doivent dormir dans la rue. Contrairement à ce qui est régulièrement insinué, les lits dans les structures sont systématiquement occupés ; il n’y en a tout simplement pas assez. La Ville doit investir bien plus tant dans les logements d’urgence que dans le « housing first ».
Une vraie politique sociale s’attaque aux racines de l’appauvrissement : ainsi dans une optique de prévention de la pauvreté, il convient de réfléchir au coût de la vie. À titre d’exemple, en perspective d’une prochaine augmentation du prix de l’eau entre 10 et 15%, il faudra remettra à l’ordre du jour la revendication d’un prix de l’eau échelonné avec une quantité de base gratuite au motif que l’accès à l’eau doit être garanti pour tous. Une motion dans ce sens de la part des conseillers déi Lénk avait été refusée en 2017.
Sous le chapitre « Solidarité », le rapport budgétaire note qu’il faut « donner aux habitants et salariés un meilleur sentiment de sécurité ». Or dans la réalité quotidienne, la situation sécuritaire est en premier lieu un problème pour les personnes en précarité, qui doivent chercher un abri en soirée et craignent de se faire tabasser ou de se faire voler leurs pauvres affaires. La situation sécuritaire préoccupe d’abord aussi les familles qui doivent se rendre les mardis matin devant l’église de Bonnevoie pour recevoir un petit déjeuner et des habits chauds.
Une source essentielle de l’appauvrissement est évidemment le manque de logements abordables. Le rapport de l’Observatoire social de 2022 constate : « Les logements sociaux représentent 3,2% de l’ensemble des logements à Luxembourg-Ville. Ceci reste un chiffre peu élevé par rapport à la moyenne européenne (9%) ». Le budget 2024 – et ceci est enfin un élément positif à relever – comporte une forte augmentation des investissements de la Ville dans le logement abordable par rapport au faible engagement des années passées. Pourtant les sommes prévues restent insuffisantes si l’on veut que le logement locatif abordable public joue un rôle tant soit peu suffisant par rapport au marché privé, soit 10 % au moins ! Dans cette optique, déi Lénk ont demandé d’investir 600 millions d’euros par an dans le logement abordable locatif et ont revendiqué la construction de 5.000 logements abordables locatifs en l’espace de 6 ans. Comparativement aux 500 millions en 6 ans qu’énonce la déclaration échevinale, c’est 7 fois plus. Or la revendication de déi Lénk n’est nullement irréaliste : compte tenu des excédents et des réserves accumulés, la Ville est capable de préfinancer ces 600 millions annuels en attendant les subventions de la part de l’Etat, de l’ordre de 75 %.
Au niveau culturel, la création de quatre à cinq bibliothèques de quartier reste une priorité pour déi Lénk. Notre ville devrait avoir plus d’une bibliothèque municipale. Les bibliothèques de quartier doivent être des lieux de vie et de rencontre dans les quartiers. Nous regrettons aussi que l’accès aux musées de la Ville ne soit toujours pas gratuit.
Luxembourg, le 8 décembre 2023 Communiqué par déi Lénk Stad