Monsieur le Président,
Conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre à Messieurs les Ministres des Affaires Etrangères et de la Justice la question parlementaire suivante:
Parmi les dépêches des Ambassades des Etats-Unis qui viennent d’être publiées par Wikileaks, il y en a trois (découvertes d’abord par des journalistes attentifs de la radio 100,7), classées comme « confidentielles », qui concernent les positions du gouvernement luxembourgeois par rapport à l’interdiction des bombes à sous-munitions (BASM – Streubomben).
Je me permets de rappeler que Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères a signé le 3 décembre 2008 à Oslo la Convention internationale interdisant les bombes à sous-munitions, entrée finalement en vigueur le 1er août 2010, que la Cambre des Députés a approuvé à l’unanimité le 7 mai 2009 cette Convention (« Loi du 4 juin 2009 portant approbation de la Convention sur les armes à sous-munitions, ouverte à la signature à Oslo le 3 décembre 2008 »), et que cette loi interdit explicitement en son article 2 « de détenir, de transporter, de transférer, de stocker ou de conserver des armes à sous-munitions… ».
Or, les dépêches de l’Ambassade des Etats-Unis publiées par Wikileaks révèlent une attitude surprenante du gouvernement luxembourgeois par rapport à la question des BASM et soulève des interrogations sérieuses sur le respect et de la loi et de la convention par le gouvernement.
Ainsi, selon la dépêche du 5 mai 2007, dès avant la signature de la Convention d’Oslo, un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères aurait assuré à l’Ambassade des Etats-Unis que l’opposition du Luxembourg aux BASM ne permettrait pas d’interférer avec son engagement comme membre de l’OTAN et que ni le survol du Luxembourg ni l’utilisation de l’aéroport pour l’expédition de BASM ne seraient touchés par une interdiction ou des restrictions éventuelles. « He specifically states that neither the flight over Luxembourg territory nor the use of Findel International Airport for shipments of CM (Cluster Bombs) would be affected by any such ban or restrictions.”
Selon une deuxième dépêche du 13 décembre 2007, un autre haut fonctionnaire du Ministère des Affaires aurait confirmé que l’engagement du Luxembourg dans l’OTAN impliquerait qu’une législation éventuelle ne devrait pas empêcher le transbordement des BASM au Findel : « nothing in the legislation would interfere with Luxembourg’s responsibilities as a NATO member. »
Enfin, le 2 décembre 2008, la veille du départ de Monsieur le Ministres des Affaires Etrangères à Oslo pour la signature de la convention, une dépêche confirme que rien dans la Convention ne saurait toucher les obligations du Luxembourg comme membre de l’OTAN.
Ces révélations soulèvent, bien entendu, quelques questions fondamentales, auxquelles je voudrais prier Messieurs les Ministres de bien vouloir répondre.
1. Comment le Gouvernement peut-il justifier un engagement international sur le contenu, la portée ou l’interprétation d’une Convention ou d’une loi avant que celle-ci n’aient été finalisées respectivement votées par la Chambre des Députés ?
2. Comment l’appartenance à l’OTAN peut-elle déterminer l’application du droit international et du droit national ?
3. Après l’entrée en vigueur de la loi du 4 juin 2009, le gouvernement a-t-il maintenu son engagement de ne pas entraver l’utilisation du Findel pour le transbordement ou le stockage des BASM – dans ce cas en violation manifeste de la loi ET de la Convention?
4. Monsieur le Ministre peut-il fournir des détails sur de tels transbordements ou stockages de BASM au Findel ?
5. Qu’en sera-t-il de l’application de l’article 4 de la loi du 4 juin 2009 qui prévoit des sanctions fortes (réclusion de cinq à dix ans et amende de 25.000 à 1.000.000 euros) pour toute personne physique ou morale, qui aurait sciemment commis l’une des infractions aux dispositions des articles 2 et 3 de la loi, donc aussi la participation au transport ou au stockage de BASM ?
6. Enfin, le Gouvernement est-il prêt à s’engager de façon vérifiable à omettre tout acte, toute autorisation contraire à la loi du 4 juin 2009 et empêcher de façon conséquente toute infraction à cette loi par qui que ce soit sur le territoire du Luxembourg ?
En vous remerciant d’avance, Monsieur le Président, ainsi que Messieurs les Ministres, je vous prie d’accepter l’expression de ma très haute considération.
(André Hoffmann)
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