Monsieur le Président,
Conformément à l’article 80 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre à Monsieur le Ministre des Finances la question parlementaire suivante:
Le 25 février 2015, un rapport réalisé communément par une coalition de syndicats européens et des Etats-Unis d’Amérique intitulé «Unhappy Meal : €1 Billion in Tax Avoidance on the Menu at McDonald’s», met en lumière que la chaîne de restauration rapide aurait, dans le cadre d’une politique d’évasion fiscale structurée, fait perdre plus d’un milliard d’euros d’impôts à différents pays d’Europe sur la période 2009-2013.
Ce montage s’est réalisé notamment via une filiale du groupe installée au Luxembourg, « McD Europe Franchising sàrl » et une autre structure installée en Suisse. Toujours selon ce rapport, cette filiale, qui n’emploie que 13 salariés, aurait réalisé un chiffre d’affaires cumulé avoisinant les 3,7 milliards d’euros, mais n’aurait payé que 16 millions d’euros d’impôts.
De plus, le rapport souligne qu’en conséquence, pour l’année 2013, la filiale aurait bénéficié d’un taux d’imposition effectif de 1,4 %, ce qui est particulièrement bas par rapport au taux d’imposition déjà fort réduit sur les redevances et la propriété intellectuelle, qui se situe normalement à quelque 5,8 %.
Il est aussi frappant de constater la disproportion entre d’un côté la croissance des redevances perçues, allant de 587 millions d’euros en 2009 à 833 millions d’euros en 2013, et, de l’autre côté, la relative stagnation des impôts payés fluctuant entre 2,6 millions et 3,8 millions d’euros sur les cinq années prises en considération. Pourtant, le rapport des comptes annuel de la filiale pour les années 2010 à 2013 rapporte que les réductions fiscales dues aux coûts des cotisations sociales, des frais sur les redevances et des dépenses salariales ne sont en aucune mesure comparables avec les montants perçus par les redevances et ne justifient donc en aucun cas de telles réductions d’impôts.
Le rapport en conclut que la filiale ne peut qu’avoir bénéficié d’un rescrit fiscal particulièrement favorable.
Suite à cette révélation, le groupe ALE/Les Verts au Parlement européen a annoncé qu’il demandera une audition des auteurs du rapport, de la direction de la chaîne de restauration rapide ainsi que des autorités suisses et luxembourgeoises dans le cadre de la Commission spéciale sur le dumping et l’évasion fiscale. En Belgique, le syndicat FGTB-Horval (Horeca) demande aux autorités fiscales belges l’initiation d’une enquête sur les constructions dans lesquelles McDonald’s Belgique pourrait être impliqué.
Dans ce contexte, je demande à Monsieur le Ministre des Finances de me fournir les réponses nécessaires à chacune des questions suivantes:
1) Monsieur le Ministre peut-il me confirmer si la société « McD Europe Franchising sàrl » a bénéficié d’un rescrit fiscal lors de son installation au Luxembourg en 2009?
2) Monsieur le Ministre peut-il s’informer si des rescrits fiscaux sont toujours en cours pour cette filiale?
3) Monsieur le Ministre estime-il que le rescrit fiscal concerné correspond à la Note de service du directeur des Contributions directes et des Accises (L.G. / N.S. No 3 du 21 août 1989), notamment au point 5. stipulant : « Des renseignements à l’effet de lier l’administration ne sont pas fournis dans les cas où la préoccupation d’obtenir un avantage fiscal est le souci primordial (p.ex. l’examen de schémas aux fins d’épargner des impôts dits «Steuersparmodelle», la fixation de limites pour échapper aux éléments constitutifs de la simulation et de l’abus de droit)?
4) Quelles démarches le Gouvernement compte-t-il entreprendre envers la filiale « McD Europe Franchising sàrl » pour aboutir à une fiscalité correcte et équitable?
5) Le Gouvernement est-il d’accord pour collaborer avec la Commission spéciale sur le dumping et l’évasion fiscale du Parlement européen sur ce cas précis?
6) Monsieur le Ministre serait-il d’accord de participer ensemble avec des responsables de « McD Europe Franchising sàrl » à inviter à cette fin, à une réunion de la Commission des Finances et du Budget portant sur ce sujet afin d’obtenir des renseignements supplémentaires sur le modèle économique et la stratégie fiscale de la filiale en question, tel qu’il a été le cas pour des commissions de finances d’autres parlements de pays européens dans des cas similaires?
7) Monsieur le Ministre n’est-il pas d’avis qu’il y lieu de revoir, à la lumière des éclaircissements récents, d’autres rescrits fiscaux (décisions anticipées)?
Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments respectueux.
Justin Turpel,
Député
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