Le cours unique selon le professeur Oelkers : une vue rétrograde et incompétente de la société luxembourgeoise.

Le programme gouvernemental avait annoncé l’introduction d’un « cours unique neutre et harmonisé d’éducation aux valeurs pour tous les élèves de l’enseignement fondamental et secondaire » en remplacement des cours actuels « Formation/Education morale et sociale » et « Instruction religieuse et morale ».

Ce lundi 23 mars, le programme-cadre fut présenté aux députés dans la matinée et au public dans la soirée. C’est le professeur Jürgen Oelkers, de l’université de Zurich et médiateur désigné de la commission chargée de l’élaboration du programme de ce nouveau cours qui se chargea de la présentation.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la présentation du professeur Oelkers choqua un grand nombre de participants présents lors de la présentation.

En effet, le professeur Oelkers défend une position profondément rétrograde aussi bien au niveau du contenu que de l’approche méthodologique. Voici quelques premières critiques que déi Lénk désire formuler :

1) Un cours de religion déguisé

Alors que le gouvernement entendait promouvoir un cours basé sur la philosophie, le cours proposé par le professeur Oelkers repose fondamentalement, selon ses propres dires, sur les valeurs occidentales qui, selon lui, ne sont intrinsèquement liées qu’aux « valeurs du christianisme ». Dans son optique, la religion chrétienne doit avoir un poids prépondérant dans ce cours. Son affirmation selon laquelle l’absence de cours de religion dans l’école publique en France aurait conduit aux problèmes que connaît ce pays témoigne d’une approche primitive et d’une totale méconnaissance de problèmes socio-économiques complexes.

2) Une méthodologie rétrograde et autoritaire

Il est difficile de savoir ce que le professeur Oelkers entend par « démocratie ». De toute évidence, son approche pédagogique repose non pas sur une méthode qui mettrait les élèves au centre de l’apprentissage et les amènerait à questionner de manière critique l’ensemble des phénomènes humains qu’ils soient de nature politique, philosophique ou religieuse. Son approche est au contraire dogmatique, se bornant à commenter ces phénomènes comme s’ils étaient des concepts indépendants de la production humaine et notamment, et en premier lieu, le phénomène religieux auquel il fait la part belle.

3) Une méconnaissance totale du terrain

Le professeur Oelkers ne connaît pas les réalités sociologiques et sociales du Luxembourg, et de toute évidence il ne s’est pas pris la peine d’apprendre à les connaître. Aucun mot sur la diversité linguistique dans nos écoles, aucun mot sur les clivages socio-économiques qui s’y relient en partie. Par contre, une approche essentialiste particulièrement rétrograde « d’éléments étrangers » qu’il faudrait intégrer à la « civilisation occidentale », forcément chrétienne.

déi Lénk s’inquiète profondément de la nomination du professeur Oelkers. Nous estimons que son approche ne correspond pas à la volonté gouvernementale d’introduire un cours unique prodiguant aux élèves une compréhension critique de la société. Au contraire, son approche va à l’opposé de cette volonté. Voilà pourquoi nous appelons le gouvernement à retirer au professeur Oelkers son mandat et à réfléchir, ensemble avec les organisations concernées, à une alternative crédible.

 

 

 

Soutenons la lutte des femmes du secteur nettoyage!

Parmi celles qui ne sont pas les privilégiées, il y a les travailleuses du secteur du nettoyage. Elles sont plus de 8.000 à être employées par les grandes sociétés de nettoyage. Et depuis 2013, elles sont engagées dans une lutte sociale contre le patronat de ces sociétés, après que le patronat ait mis fi n à la convention collective en avril 2013. Ces femmes, tout le monde les voit régulièrement, tout le monde les côtoie à un moment donné. Pourtant, l’on parle peu de leur lutte. Est-ce parce que la très grande majorité d’entre elles sont des résidentes étrangères ou des frontalières et que leur poids politique est infime ?

Leur travail est éprouvant, nombreuses sont celles dont le dos, les vertèbres ou d’autres parties du corps ne s’en sortent pas indemnes au bout de plusieurs décennies de travail. Leurs salaires ne sont supérieurs du salaire social minimum (SSM) que de quelques centimes. Elles n’ont qu’une journée et demie de congés au bout de 25 ans de carrière. 50 % de leurs heures supplémentaires ne sont pas majorées. Pour beaucoup d’entre elles, c’est la flexibilité absolue, avec des tranches horaires qui découpent la journée de manière à ne pas trouver de véritable repos. Finalement, le patronat refuse d’accorder le salaire social minimum qualifié aux travailleuses non diplômées mais qui travaillent dans le secteur depuis dix ans, sans tenir compte du fait qu’une salariée a eu gain de cause devant le tribunal.

Depuis 2013, le syndicat majoritaire du secteur, l’OGBL, a multiplié les actions. Il s’agit d’améliorer les conditions de travail de ces femmes. Elles ne demandent pas la lune : une augmentation linéaire de leur salaire, l’octroi du SSM qualifié au bout de 10 ans de carrière, des améliorations au niveau de l’organisation du temps de travail, ainsi qu’une limitation à 10 % des heures supplémentaires non majorées.

Pendant ce temps, au mois de janvier, le gouvernement a signé un accord avec l’Union des entreprises luxembourgeoises qui prévoit entre autres une modification de la législation du SSM qualifié et une flexibilisation accrue du travail. Des mesures qui vont précariser davantage les salariées les plus précaires et cela concerne notamment les femmes d’entretien.

Soutenons la lutte de ces femmes ! Faisons pression auprès du gouvernement! Soutenons leurs actions syndicales !

Question parlementaire concernant les turbulences auprès de l’Agence luxembourgeoise pour la sécurité aérienne (Alsa) et la Division de l’aviation civile (DAC)

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 80 du règlement de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures.

D’après un article publié vendredi dernier, 21 novembre 2014, dans paperjam.lu, la nouvelle directrice de la Direction de l’aviation civile (DAC) se serait fait démettre le 14 novembre dernier de la présidence du conseil d’administration de l’Agence luxembourgeoise pour la sécurité aérienne (Alsa). Rappelons que L’Alsa est en charge de superviser la sécurité de l’aviation civile, notamment de passer en revue la navigabilité des avions, de procéder aux vérifications des licences des pilotes et de s’assurer de la conformité de l’exploitation de l’aéroport. Société de droit privé, mais appartenant à 100% à l’État luxembourgeois, la réglementation aéronautique (donc les textes internationaux) prévoit que cette agence soit sous le contrôle de la DAC, d’où le mandat de sa directrice à la présidence du conseil d’administration.

L’article susmentionné parle d’un «putsch» contre une présidente qui aurait eu la ferme volonté de revoir la gouvernance de l’Alsa. De même, il est question de « flux financiers qui méritent des clarifications». En plus, avant la nomination de la nouvelle directrice et sous la responsabilité d’une direction intermédiaire, les réclamations du personnel quant à la gestion de l’Alsa se sont multipliées. Ainsi, la délégation du personnel avait fait état d’une concertation  avec le personnel quasi inexistante, d’une communication non adéquate, d’accord ignorés, de sous-effectifs, de questions soulevées concernant les heures supplémentaires, les missions de week-end, de formations, … restés sans réponses, etc. Manifestement, la présidence de l’Alsa par une femme jeune et dynamique, ayant fait ses preuves dans l’investigation d’escroqueries financières, n’était pas du goût de tout le monde.

Dans ce contexte, j’aimerais savoir de Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures:

1)    Les conseils d’administrations de structures appartenant à 100% à l’Etat sont-ils autogérés par les administrateurs délégués par l’Etat ou est-ce bien l’Etat lui-même, en l’occurrence le Gouvernement, qui décide de la présidence d’un tel conseil d’administration (d’autant plus que la présidence de ce conseil est étroitement liée à la gestion et à la direction de la DAC)? Les administrateurs se sont-ils concertés au préalable avec vous quant à l’éviction de la directrice de la DAC de son poste de présidente du CA de l’Alsa? Approuvez-vous cette façon d’agir?

2)    Partagez-vous l’appréciation de la délégation du personnel quant à la gestion de l’Alsa antérieurement à la nomination de la nouvelle présidente?

3)    Quelles sont les problèmes soulevés par la nouvelle présidente qui dérangent les administrateurs qui viennent de démettre la présidente de ses fonctions?

4)    De quel droit des administrateurs peuvent-ils forcer – notamment par le biais d’un «sit-in» devant la porte de son bureau – la directrice de la DAC à leur remettre des dossiers en relation avec l’Alsa que celle-ci détient en relation avec ses fonctions au sein de la DAC?

5)    Comme voulez-vous remettre de l’ordre dans la gestion de la DAC sans désavouer une directrice résolue de revoir la gouvernance de l’Alsa? Est-il toujours prévu, comme l’avait proposé le gouvernement précédent, de changer le statut de l’Alsa en celui d’un établissement public? Dans l’affirmative, dans quels délais un tel changement de statut pourrait-il se faire? Sinon, quel sera le statut de l’agence?

6)    Avez-vous prévu des changements au niveau du fonctionnement et de la gestion de la DAC? Est-il vrai qu’une commission d’accompagnement a été mise en place pour accompagner le travail de la nouvelle directrice de la DAC? Dans l’affirmative, quelles sont les raisons exactes pour cette mesure et comment et pour combien de temps cet accompagnement est-il prévu?

7)    Monsieur le Ministre a-t-il eu connaissance du harcèlement subi par des délégués du personnel suite aux événements susmentionnés? Que comptez-vous faire pour y remédier?

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments respectueux.

 

Justin Turpel,
Député

-> Réponse

Cannabis entkriminalisieren

déi Lénk möchten die Forderungen des CePT (Centre de Prévention des Toxicomanies) nach einer Entkriminalisierung des Cannabiskonsums unterstützen und plädieren darüber hinaus für eine vollständige Legalisierung von Cannabis in Luxemburg.

Die Diskussion über die Legalisierung von Cannabis wird derzeit in vielen Ländern geführt und von  vielen namenhaften Politikern unterstützt. Die Debatte um die Legalisierung der Droge wird längst nicht mehr von einer Handvoll „Klischee-Kiffern“ am Rande der Gesellschaft geführt, sondern hat die breite Öffentlichkeit erreicht. Allein in den letzten zwei Jahren wurde der Verkauf und Konsum von Cannabis in Uruguay legalisiert, die US-Staaten Colorado und Washington legalisierten den Erwerb und Konsum von Cannabis und Tschechien und Italien legalisierten den medizinischen Gebrauch von Cannabis. Doch auch in Luxemburg und seinen Nachbarländern werden die Forderungen nach einer Legalisierung der Droge immer lauter.

Gründe für ein Umdenken in der Drogenpolitik gibt es viele:

–        Zum einen ist die Kriminalisierung der Konsumenten ein schlagkräftiges Argument für die Legalisierung von Cannabis: Nicht nur Genusskonsumenten, sondern auch solche, die Cannabis aus medizinischen Gründen, etwa bei Krebserkrankungen oder Depressionen, konsumieren, machen sich strafbar. Besonders im Fall von krankheitsbedingtem Konsum ist diese Politik zutiefst unmenschlich und entwürdigend.

–        Darüber hinaus sollte man auch unbedingt den Unterschied zwischen Genuss und Sucht machen: Genauso wie nicht jeder Alkoholkonsument gleich zum Alkoholiker wird, wird auch nicht gleich jeder Cannabiskonsument zum Suchtkranken.

–        Ein weiteres Argument für die Legalisierung von Cannabis ist, dass der Staat den Drogenkonsum dadurch auch mehr kontrollieren könnte: Genau wie beim legalen Alkohol könnte der Staat die Qualität der jeweiligen Substanz garantieren und damit gewährleisten, dass der Konsum der Droge so wenig gesundheitsschädlich ist wie nur möglich. In den letzten Jahren fand zum Beispiel zunehmend mit Blei gestrecktes Cannabis den Zugang zum Markt und zog einige Vergiftungserscheinungen bei den Konsumenten mit sich.

–        Auch die Drogenkriminalität könnte durch Legalisierung effektiv bekämpft werden, da der Cannabismarkt nicht mehr in kriminellen, sondern in öffentlichen Händen liegen würde.

déi Lénk sind zudem der Meinung, dass die Entkriminalisierung von Cannabis von einer breiteren gesellschaftlichen Debatte über eine notwendige Neuausrichtung der Drogenpolitik begleitet werden muss, und werden in den nächsten Wochen und Monaten konkrete Vorschläge in diesem Sinne machen.

Conférence de presse de présentation de l’avis de déi Lénk sur le Rapport du groupe d’experts

Rapport du groupe d’experts – Avis déi Lénk  

Introduction

D’emblée, force est de constater que la pertinence et l’utilité de ce rapport sont loin d’être évidentes – sauf, peut-être, pour le ministre qui l’a commandé et financé. Car il lui sera loisible d’interpréter les analyses et les recommandations de ce rapport comme une confirmation de ses propres positions quant aux relations entre l’Etat et les communautés religieuses.

Dès le départ, l’orientation du groupe d’experts était discrètement guidée par le gouvernement – notamment par la première des deux questions qui définissaient sa mission.

« Les conventions actuelles telles que régies par l’article 22 de la Constitution répondent-elles encore aux réalités socioculturelles du Luxembourg et au principe de l’égalité de traitement et du respect des droits de l’homme préconisé par le Conseil de l’Europe ? »

La question suggère que le problème le plus important serait l’application du principe de conventionnement aux différentes communautés religieuses et que la piste à suivre serait une adaptation du système conventionnel, sans mettre en question le principe sur lequel il se fonde. Or ce principe, au Luxembourg, repose sur la fausse évidence que l’Etat doit soutenir matériellement et politiquement les communautés religieuses, et, bien sûr, surtout l’Eglise catholique. Le rapport reconnaît d’ailleurs que « l’Eglise catholique bénéficie d’un statut privilégié », mais ce n’est vraiment pas une révélation spectaculaire.

La question de la séparation stricte et nette de l’Etat et des Eglises n’est donc pas vraiment approfondie par les experts, qui se contentent de proposer quelques aménagements mineurs du statu quo, pour un peu plus d’égalité dans le traitement des différentes communautés. Le groupe d’experts propose une « coopération (…) relative et graduée », qui, à notre avis n’exclut pas l’arbitraire, ne garantit pas la justice et pérennisera l’actuelle inégalité de traitement. Le seul résultat concret risque bien de consister en une nouvelle convention avec la communauté musulmane et quelques aménagements des cours de religion à l’école.

Il nous semble que les conclusions et les propositions du des experts sont en contradiction avec « les principes directeurs d’une réforme » énoncés par eux-mêmes à la page 74 du rapport, notamment celui de l’égalité et de la non-discrimination, de la neutralité et de l’impartialité de l’Etat.

1. Séparation Eglises – Etat

Pour nous, c’est une question de principe constitutionnel: le principe de la non-discrimination et de la liberté de pensée dans un Etat moderne implique la neutralité de l’Etat en matière de convictions, notamment religieuses, qu’elles soient liées à des communautés organisées ou non voire à des « cultes ». Le Conseil de l’Europe, dans sa Recommandation 1804 (2007), « constate l’importance du fait religieux dans la société européenne», mais, en même temps, « réaffirme qu’une des valeurs communes en Europe (…) est la séparation de l’Eglise et de l’Etat », avant de noter, évidemment, « des degrés divers de séparation ».

Nous plaidons pour une application conséquente de ce principe de la séparation. Car l’Etat n’a pas à préférer, favoriser voire subventionner des groupes de citoyens en fonction de leurs convictions, conceptions du monde ou philosophies, sous peine de défavoriser voire de mépriser d’autres citoyens en fonction des leurs. Nous ne voulons pas un Etat laïciste hostile à la religion, mais un Etat laïque au sens précis tel qu’il est formulé, par exemple, dans le 2e article de la loi française de 1905 « concernant la séparation des Eglises et de l’Etat » : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » L’application de ce principe implique évidemment la suppression des articles 22(conventionnement), 106(traitement des ministres des cultes) et 119 (disposition transitoire en attente des conventions). Par contre, il conviendrait d’inscrire dans la Constitution un article suffisamment précis pour empêcher un laminage discret du principe de la séparation par des lois, des règlements ou des conventions. Le Groupe d’experts le confirme expressément en soulignant, à propos de l’article 106, que la non inscription du soutien financier dans la constitution « n’entame pas la faculté de l’Etat de poursuivre dans la voie du soutien. » (p. 76)

Il faut aussi préciser que la création des « maisons de la laïcité » et leur subventionnement éventuel, négligeable par rapport à celui de l’Eglise catholique, ne constitue pas une réponse à la question des relations Etat – Eglises. D’ailleurs la plupart des associations laïques n’a ni prôné ni salué la création de telles structures, craignant au contraire qu’elles serviraient d’alibi pour éviter le problème de fond : celui de la séparation Etat – Eglises.

Le maintien du conventionnement, même avec des critères plus précis tels que proposés par le groupe d’experts, et qui inclurait la rémunération des ministres du culte, n’est pas compatible avec le principe de la séparation Etat – Eglises.

Ceci dit, il conviendra d’éviter à la fois un privilège injustifié pour les communautés religieuses, et une discrimination tout aussi injuste par rapport à d’autres communautés ou associations. Il s’agit essentiellement d’une question de justice et d’égalité, qui devrait être débattue sans parti pris et sans dogmatisme.

Conformément à l’avis des experts, les fabriques d’Eglise sous leur forme actuelle seraient à supprimer.

2. La liberté religieuse, une liberté de conviction comme une autre

La suppression des articles constitutionnels nommés ci-devant ne menace d’aucune façon la « liberté religieuse ». Elle est amplement garantie par l’article 19 de la Constitution: « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. »

La liberté dite religieuse n’étant ni plus ni moins qu’une application du principe général de la liberté de conscience et d’expression, elle n’est pas compromise par la neutralité de l’Etat – au contraire. La liberté de pensée et d’expression n’est guère compatible ni avec des privilèges, ni avec des discriminations positives ou négatives de certaines convictions par rapport à d’autres. C’est aussi pour cette raison que nous mettons en doute la justification d’une distinction de la croyance religieuse par rapport à d’autres convictions personnelles, telle qu’elle est pourtant accentuée par cet article 19. Nous proposons donc de reformuler cet article de façon à ce qu’il s’applique à toutes les convictions (religieuses ou non).Nous proposons que, dans la nouvelle Constitution, au chapitre sur les libertés publiques et des droits fondamentaux, les articles 24 (liberté d’opinion…) et 19 (liberté des cultes) soient fusionnés dans un article général garantissant la liberté d’opinion et d’expression et d’expression publique (inclusivement cultuelle), mettant ainsi sur un pied d’égalité toutes les convictions , qu’elles soient religieuses ou non.

La phrase concernant les « délits » nous paraît aussi superflue, puisque, dans un Etat de droit, aucune conviction personnelle ou adhésion à quelque communauté que ce soit ne peut justifier un délit. La même remarque vaut pour l’article 24.

3. Religion privée – exercice public

Dans sa recommandation 1720 (2005) « Education et religion », l’Assemblée générale du Conseil de l’Europe déclare que « la démocratie et la religion ne doivent pas être incompatibles », mais que « la politique et la religion ne devraient pas se mélanger » et elle « réaffirme avec force que la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir de religion, relève du domaine strictement privé ». Parfois, pour défendre les privilèges des Eglises, on joue sur l’ambiguïté des termes privé – public. Comme si la séparation de l’Etat et des Eglises empêcherait les croyants à manifester publiquement leurs convictions et à exercer leur culte. Nous venons de voir que tel n’est pas le cas (Article 19). On confond (intentionnellement ou non) deux sens différents du terme « public » : l’espace public et la « res publica », l’Etat, sont deux choses différentes. Le droit de s’exprimer et de se manifester dans cet « espace public » n’implique pas un soutien particulier de la part des pouvoirs publics, de l’Etat.

4. Financement privé

La logique de la séparation et l’abandon du financement par l’Etat implique un financement privé auquel nul ne peut être contraint. Il conviendrait donc de compléter l’article 20 :« Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos » par l’ajoute : « ni de contribuer à son financement ». Cette ajoute serait aussi nécessaire si un impôt volontaire pour les communautés religieuses était introduit, afin de protéger toute personne contre d’éventuelles pressions.

5. La tradition comme légitimation ?

A propos de l’article 106 de la Constitution (traitements des ministres du culte), les experts concèdent que « sur le principe (…) il s’agit d’un choix politique. » Mais en ajoutant aussitôt : « La tradition et l’histoire du Grand-Duché plaident néanmoins pour le maintien d’une forme de soutien des communautés cultuelles. » Voilà un étrange raisonnement de la part d’experts pourtant hautement qualifiés. En matière de droits humains, de droits fondamentaux, du principe de non-discrimination, il nous semble généralement admis que la « tradition » ne saurait suffire comme légitimation. Où en serions-nous avec l’évolution des droits de l’homme, et qu’en serait-il de notre combat pour ces droits si on pouvait leur opposer la « tradition ». Or, peut-être à la différence du groupe des experts, nous tenons l’impartialité de l’Etat en matière de conviction pour un droit fondamental.

6. Enseignement : un cours unique de philosophie pratique et civique

Nous estimons que la situation actuelle en matière d’instruction religieuse est intenable pour deux raisons au moins : elle privilégie indûment l’Eglise catholique, et elle produit (dès leur plus jeune âge) une ségrégation inutile et nuisible des enfants en raison de leur croyance et/ou adhésion à une communauté religieuse.

Là encore, le groupe d’experts nous surprend. « Les cours d’enseignement religieux (…) sont, comme nous l’avons signalé, bien suivis par les élèves luxembourgeois », comme si le nombre seul pouvait justifier le maintien d’une situation discriminatoire. Par ailleurs, n’aurait-on pas informé les experts qu’avant la suppression de la « troisième option », les élèves désertaient progressivement les deux cours d’instruction religieuse et de formation morale et sociale.

Nous regrettons fortement que ni dans la réforme de l’école fondamentale ni dans celle des lycées, le gouvernement n’ait osé toucher au tabou de l’instruction religieuse. Nous proposons un cours unique, obligatoire, pour tous les enfants dès l’école fondamentale, un cours de « philosophie pratique et d’éducation citoyenne ». Nous préférons une appellation de ce genre à celle d’une « éducation aux valeurs » qui suggère une sorte d’enseignement doctrinal de valeurs et de normes, alors que, à notre avis, il s’agit précisément d’apprendre la réflexion critique, qui doit questionner aussi la légitimation de normes – sans tomber dans un relativisme douteux. Le cours doit se positionner positivement sur le fondement essentiel de la société démocratique : les droits humains (que l’Eglise catholique ne reconnaît toujours pas dans leur intégralité).

Ce cours pourrait inclure des informations et des réflexions sur le « phénomène religieux », l’histoire et la sociologie des religions, leur étude comparative (conformément à la Recommandation 1720 (2005) du Conseil de l’Europe) – mais sans exclure les pages sombres, les dangers du fanatisme religieux, ni la critique des religions…D’ailleurs tout n’est pas à inventer : des projets de programmes de cours unique ont été élaborés, sont au moins partiellement appliqués dans les cours de formation morale et sociale, et peuvent donc constituer une base utile pour l’introduction d’un cours unique généralisé.

A propos de l’enseignement, nous constatons que la question de l’enseignement confessionnel privé n’est guère abordée – alors que son financement public mérite toujours au moins d’être questionné. Il n’est pas normal qu’un contribuable non-croyant participe au financement d’écoles confessionnelles.


7. Cérémonies publiques

Aucune action publique, aucune cérémonie publique, à quelque niveau que ce soit (Etat, communes…), et à quelque occasion que ce soit ne devrait être officiellement lié à une cérémonie religieuse. Les pouvoirs publics devraient avoir l’obligation d’organiser pour ces occasions des cérémonies non religieuses. Cela vaut pour la fête nationale, autant que pour des commémorations publiques, les cérémonies de deuil ou des activités scolaires… Il va de soi que toute communauté religieuse aura toujours le droit d’organiser sous sa propre responsabilité des cérémonies ou autres manifestations parallèles.

 

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